Il tenait un gobe<strong>le</strong>t d’une main. Je me rinçai <strong>le</strong> visage à l’eau froide, attrapaiune serviette en papier et m’essuyai. Ça se calmait un peu. Je pris <strong>le</strong> gobe<strong>le</strong>t, avalaiune gorgée. Ça descendit sans trop de problème. Je suai immédiatement. Machemise se colla à la peau. Je devais avoir de la fièvre.- Ça va, je dis.Et j’eus un nouveau haut-<strong>le</strong>-cœur. L’impression que je recevais <strong>le</strong>s coups unenouvel<strong>le</strong> fois. Derrière moi, Pérol attendait que je lui explique. Il ne bougerait pasavant.- Bon, on s’occupe du connard, et après je te raconte.- Ça me va. Mais Mourrabed, tu me laisses faire.Restait plus qu’à trouver un truc qui tienne mieux la route que cette histoired’ulcère.Mourrabed me regarda revenir, l’air narquois. Sourire aux lèvres. Pérol luibalança une claque, puis s’assit en face de lui, à califourchon sur la chaise.- Qu’est-ce vous espérez, hein ? gueula Mourrabed, en se tournant vers moi.- Te foutre en tau<strong>le</strong>, je dis.- Ouais. Super. ‘Jouerai au foot. Il haussa <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s. Pour avoir cogné unmec, va falloir qu’vous argumentiez chez l’juge. Mon avocat, y vous bais’ra.- On a dix cadavres dans un placard, dit Pérol. Sûr qu’on pourra t’en col<strong>le</strong>r unsur <strong>le</strong> dos. Et on <strong>le</strong> fera bouffer à ton avocat de merde.- Eh ! Jamais buté un mec, moi.- L’autre, t’as bien failli te <strong>le</strong> faire, non ? Alors, je vois pas que t’as tuépersonne. OK ?- Ouais. Ça va, ça va. J’étais bourré, c’est tout. J’y ai tiré qu’une claque,merde !- Raconte.- Ouais. En sortant du bar, je l’vois, ce keum. Une meuf, que j’croyais qu’c’était.De loin, quoi. Avec ses cheveux longs. J’y demande une clope. L’en avait pas, c’con !Y se foutait de ma gueu<strong>le</strong>, dans un sens. Alors, j’y dis, si t’en as pas, suce-moi !Putain, y rigo<strong>le</strong> ! Alors, j’y mets un pain. Ouais. C’est tout. Vrai. Y s’est barré commeun lapin. C’tait qu’un pédé.- Sauf que t’étais pas seul, reprit Pérol. Avec tes copains, vous l’avez coursé.Tu m’arrêtes, si je me trompe. Il s’est réfugié au Miramar. Vous l’avez sorti du bar. Etvous l’avez sa<strong>le</strong>ment amoché. Jusqu’à ce qu’on arrive. Et t’as pas de chance, àl’Estaque, t’es une vraie star. Ta gueu<strong>le</strong>, on l’oublie pas.- Ce pédé, y va la retirer sa putain de plainte !- C’est pas dans son intention, tu vois. Pérol regarda Mourrabed, s’attardant surson ca<strong>le</strong>çon. Canon, ton ca<strong>le</strong>çon. Mais ça fait pas un peu tante ?- Hé ! J’suis pas pédé, moi. J’ai une fiancée.- Parlons-en. C’est cel<strong>le</strong> qui était au pieu avec toi ?Je n’écoutais plus. Pérol savait où il allait. Mourrabed <strong>le</strong> dégoûtait autant quemoi. Pour lui, on ne pouvait plus espérer. Il était sur la plus salope des orbites. Prêt àcogner, prêt à tuer. Le voyou idéal pour <strong>le</strong>s truands. Dans deux ou trois ans, il se feraitétendre par un plus dur que lui. Peut-être que la meil<strong>le</strong>ure chose qui pouvait luiarriver, c’était d’en prendre pour vingt ans. Mais je savais que ce n’était pas vrai. Lavérité, c’est que face à tout ça, il n’y avait pas de réponse.Le téléphone me fit sursauter. J’avais dû m’assoupir.- Tu peux venir, un instant ? Cerutti au téléphone.- Y a rien à se mettre sous la dent. Rien. Même pas un gramme de mariejeanne.- La gamine ?
- Fugueuse. Saint-Denis, région parisienne. Son père, il veut la renvoyer enAlgérie, pour la marier, et…- Ça va. Tu la fais amener ici. On prendra sa déposition. Toi, tu restes avecdeux gars, et tu me vérifies si c’est Mourrabed qui loue l’appartement. Sinon, tu metrouves qui. Ça, dans la journée.Je raccrochai. Mourrabed nous vit revenir. À nouveau son sourire.- Des problèmes ? qu’il dit.Pérol lui allongea une autre claque, plus vio<strong>le</strong>nte que la première. Mourrabedse frotta la joue.- Ça plaira pas à mon avocat, quand je lui racont’rai.- Alors, c’est ta fiancée ? reprit Pérol, comme s’il n’avait pas entendu.J’enfilai ma veste. J’avais rendez-vous avec Sanchez, <strong>le</strong> chauffeur de taxi.Fallait que j’y ail<strong>le</strong>. Je ne voulais pas <strong>le</strong> rater. Si <strong>le</strong>s gros bras de cette nuit ne venaientpas de la part de Batisti, c’était peut-être lié au chauffeur de taxi. À Leila. Je meretrouvais dans une autre histoire, là. Mais est-ce que je pouvais croire Batisti ?- On se retrouve au bureau.- Attends, dit Pérol. Il se retourna vers Mourrabed. T’as <strong>le</strong> choix, pour tafiancée. Si c’est oui, je te présente à son père et à ses frères. Dans une cellu<strong>le</strong>fermée. Vu que t’étais pas dans <strong>le</strong>urs projets, ça va être ta fête. Si c’est non, t’es bonpour détournement de mineure. Réfléchis, je reviens.Des nuages noirs, lourds, s’amoncelaient. Il n’était pas dix heures, et la cha<strong>le</strong>urhumide collait à la peau. Pérol me rejoignit dehors.- Joue pas au con, Fabio.- T’inquiète. J’ai rendez-vous pour un tuyau. Une piste pour Leila. Le troisièmehomme.Il hocha la tête. Puis désigna mon ventre du doigt.- Et ça ?- Une bagarre, cette nuit. À cause d’une fil<strong>le</strong>. Je manque d’entraînement. Alorsj’ai morflé.Je lui souris. De ce sourire qui plaisait aux femmes. Séducteur en diab<strong>le</strong>.- Fabio, on commence à se connaître, toi et moi. Arrête ton cinéma. Il meregarda, attendit une réaction. Je n’en eus pas. T’as des emmerdes, je <strong>le</strong> sais.Pourquoi ? Je commence à avoir une idée. Mais t’es obligé à rien. Tes histoires, tupeux <strong>le</strong>s garder pour toi. Et te <strong>le</strong>s foutre au cul. C’est ton affaire. Si tu veux qu’on encause, je suis là. OK ?Il n’avait jamais parlé aussi longtemps. El<strong>le</strong> me touchait, sa sincérité. Si j’avaisencore quelqu’un sur qui compter dans cette vil<strong>le</strong>, c’était lui, Pérol, dont je ne savaispresque rien. Je ne l’imaginais pas en père de famil<strong>le</strong>. Je n’imaginais même pas safemme. Je ne m’en étais jamais inquiété. Ni même s’il était heureux. Nous étionscomplices, mais étrangers. On se faisait confiance. On se respectait. Et cela seulimportait. Pour lui comme pour moi. Pourquoi était-il si diffici<strong>le</strong> de se faire un amipassé quarante ans ? Est-ce parce que nous n’avons plus de rêves, que des regrets ?- C’est ça, tu vois. J’ai pas envie d’en par<strong>le</strong>r. Il me tourna <strong>le</strong> dos. Je l’attrapaipar <strong>le</strong> bras, avant qu’il ne fasse un pas. Tout compte fait, je préférerais que vousveniez chez moi, dimanche midi. Je ferai la cuisine.On se regarda. Je partis vers ma voiture. Les premières gouttes tombèrent. Je<strong>le</strong> vis entrer dans <strong>le</strong> commissariat, d’un pas décidé. Mourrabed n’avait qu’à bien setenir. Je m’assis, enc<strong>le</strong>nchai une cassette de Ruben Blades et démarrai.Je passai par l’Estaque centre, pour rentrer. L’Estaque tentait de rester fidè<strong>le</strong> àson image ancienne. Un petit port, un village. À quelques minutes à peine deMarseil<strong>le</strong>. On disait : j’habite l’Estaque. Pas Marseil<strong>le</strong>. Mais <strong>le</strong> petit port était
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C’est ça qu’ils avaient dû lu
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sûr que les parents de Karine, sur
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Tanagra. L’un des truands abattu
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le téléphone personnel de Pérol.
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pourtant ça que j’avais envie de
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ÉpilogueRien ne change, et c’est
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Le monde se remettait en ordre. Nos