- Z’avez serré un dea<strong>le</strong>r, paraît ? demanda Jasmine.- Les nouvel<strong>le</strong>s vont vite.- Téléphone arabe ! lâcha Kader en riant. Un rire forcé. Faux.Ils attendaient que j’explique ce que je foutais là, à chercher Toni. Jasminepoussa vers moi un <strong>livre</strong>, encore dans son emballage cadeau. Je lus <strong>le</strong> titre, sansmême <strong>le</strong> prendre. La solitude est un cercueil de verre, de Bradbury.- Le <strong>livre</strong>, vous pouvez l’prendre. Il était à Leila. Vous connaissez ?- El<strong>le</strong> m’en a souvent parlé. Je l’ai jamais lu.- Tiens, dit Kader en me tendant un verre de whisky. Assieds-toi. Y a pas <strong>le</strong> feu.- On l’a acheté ensemb<strong>le</strong>. La veil<strong>le</strong>…, dit Jasmine.- Ah, je dis. Le whisky me brûlait. Je n’avais toujours rien avalé de la journée.La fatigue commençait à m’envahir. La nuit n’était pas encore terminée. T’aurais pasun café ? dis-je à Karine.- Je venais d’en faire. Il est encore chaud.- Il était pour vous, continua Jasmine. Dans ce paquet cadeau. El<strong>le</strong> voulait vousl’offrir.Karine revint avec une tasse de café. Kader et Driss ne disaient plus un mot. Ilsattendaient la suite d’une histoire dont ils semblaient connaître la fin.- J’ai pas tout de suite compris ce qu’il faisait dans la voiture de mon frère,poursuivit Karine.On y était. Cela me laissait sans voix. Ils me mettaient K.O., <strong>le</strong>s mômes. Plusaucun d’eux ne souriait. Ils étaient graves.- Samedi soir, il est passé pour m’emmener bouffer au resto. Y fait çarégulièrement. Y m’par<strong>le</strong> de mes études. Me fi<strong>le</strong> un peu de thune. Un grand frère,quoi ! Le <strong>livre</strong> était dans la boîte à gants. J’sais plus ce que je cherchais. J’y ai dit :« C’est quoi ? » L’a été vachement surpris. « Hein ? Ça ? Ah, ça, heu… Ben, c’est…un cadeau. C’était pour toi. Je comptais… Enfin, c’était pour après. Ben, tu peuxl’ouvrir. »« Y me faisait souvent des cadeaux, Toni. Mais un <strong>livre</strong>, ça, c’était vraiment lapremière fois. J’savais pas comment il avait pu en choisir un… Ça m’a touchée. J’y aidit que je l’aimais bien. On est allé manger et j’ai mis <strong>le</strong> <strong>livre</strong> avec son emballage dansmon sac.« Je l’avais posé là, sur l’étagère, en rentrant. Pis y a eu tout ça. Leila,l’enterrement. J’suis restée avec eux. On a dormi chez Mouloud. J’l’avais oublié, <strong>le</strong><strong>livre</strong>. Ce midi, Jasmine, en venant me chercher, el<strong>le</strong> l’a vu. Ça s’embrouillait un peudans nos têtes. On a appelé <strong>le</strong>s garçons. Fallait qu’on tire ça au clair. Vouscomprenez ? El<strong>le</strong> s’était assise. El<strong>le</strong> tremblait. Maintenant, on sait plus quoi faire.Et el<strong>le</strong> éclata en sanglots.Driss se <strong>le</strong>va et la prit dans ses bras. Il lui caressait tendrement <strong>le</strong>s cheveux.Ses p<strong>le</strong>urs, c’était presque une crise de nerfs. Jasmine vint vers el<strong>le</strong>, s’agenouilla, etglissa ses mains dans cel<strong>le</strong>s de Karine. Kader était immobi<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s coudes sur la tab<strong>le</strong>.Il tirait sur son pétard maladivement. Les yeux tota<strong>le</strong>ment absents.J’eus <strong>le</strong> vertige. Mon cœur se mit à battre à tout rompre. Non, ce n’était paspossib<strong>le</strong> ! Une expression de Karine m’avait fait sursauter. Toni. Au passé.- Et où il est, Toni ?Kader se <strong>le</strong>va, comme un automate. Karine, Jasmine et Driss <strong>le</strong> suivirent desyeux. Kader ouvrit la porte-fenêtre du balcon. Je me <strong>le</strong>vai et m’approchai. Toni était là.Allongé sur <strong>le</strong> carrelage.Mort.- On allait t’appe<strong>le</strong>r, je crois.
14 - Où il préférab<strong>le</strong> d’être en vie en enfer que mort au paradis.Les gosses étaient au bout du rou<strong>le</strong>au. Maintenant que <strong>le</strong> corps de Toni était ànouveau sous <strong>le</strong>urs yeux, ils craquaient. Karine sanglotait toujours. Jasmine puisDriss s’y étaient mis aussi. Kader, lui, semblait avoir pété <strong>le</strong>s plombs. Le shit et <strong>le</strong>whisky ne l’avaient pas arrangé. Il avait des petits rires saccadés chaque fois qu’ilregardait vers <strong>le</strong> corps de Toni. Moi, je commençais à être en roue libre. Et ce n’étaitpas <strong>le</strong> moment.Je fermai la porte du balcon, me servis un whisky, et allumai une cigarette.- Bon, je dis. On reprend par <strong>le</strong> début.Mais autant par<strong>le</strong>r à des sourds-muets. Kader se mit à rire encore plusfrénétiquement.- Driss, t’emmènes Karine dans la chambre. Qu’el<strong>le</strong> s’allonge et qu’el<strong>le</strong> serepose. Jasmine, trouve-moi un tranquillisant quelconque, Lexomil ou je ne sais quoi,et tu <strong>le</strong>ur en donnes un à chacun. Et t’en prends un aussi. Après, tu me refais du café.Ils me regardaient avec des yeux de martiens. Al<strong>le</strong>z ! je dis, fermement, mais sansé<strong>le</strong>ver la voix.Ils se <strong>le</strong>vèrent. Driss et Karine disparurent dans la chambre.- Qu’est-ce qu’on va faire ? demanda Jasmine.El<strong>le</strong> reprenait <strong>le</strong> dessus. De tous <strong>le</strong>s quatre, el<strong>le</strong> était la plus solide. Cela sedevinait dans chacun de ses gestes. Précis, assurés. El<strong>le</strong> avait peut-être autant fuméque <strong>le</strong>s trois autres, mais dû moins boire, ça, c’était évident.- Remettre celui-là d’aplomb, répondis-je en désignant Kader.Je <strong>le</strong> sou<strong>le</strong>vai de sa chaise.- Y fera plus chier, hein ? dit-il en éclatant de rire. On lui a niqué sa gueu<strong>le</strong>, àc’t’enfoiré.- C’est où la sal<strong>le</strong> de bains ?Jasmine m’indiqua. Je poussai Kader à l’intérieur. Il y avait une minuscu<strong>le</strong>baignoire. Une odeur de vomi flottait. Driss était déjà passé par là. J’attrapai Kader par<strong>le</strong> cou et l’obligeai à baisser la tête. J’ouvris <strong>le</strong> robinet d’eau froide. Il se débattit.- Fais pas chier ! Sinon je te fous dedans !Je lui passai une serviette, après lui avoir copieusement rincé la tête. Quand onrevint dans la sal<strong>le</strong>, <strong>le</strong> café était servi. On s’assit autour de la tab<strong>le</strong>. Dans la chambre,Karine sanglotait toujours, mais plus faib<strong>le</strong>ment. Driss lui parlait. Je n’entendais pasce qu’il lui disait, mais c’était comme une douce musique.- Merde ! je dis à Kader et à Jasmine, vous auriez pu m’appe<strong>le</strong>r !- On voulait pas <strong>le</strong> tuer, répondit Kader.- Vous espériez quoi ? Qu’il vous fasse des excuses ? Ce type-là, il étaitcapab<strong>le</strong> d’égorger père et mère.- On l’a vu, dit Jasmine. Il nous a menacés. Avec une arme.- Qui c’est qui l’a cogné ?- Karine, d’abord. Avec <strong>le</strong> cendrier.Un gros cendrier en verre, que j’avais rempli de mégots depuis que j’étaisentré. Sous <strong>le</strong> choc, Toni s’était écroulé, lâchant son flingue. Jasmine, du pied, avaitpoussé l’arme sous l’armoire. El<strong>le</strong> y était toujours, d’ail<strong>le</strong>urs. Toni avait roulé sur <strong>le</strong>ventre, pour essayer de se re<strong>le</strong>ver. Driss s’était jeté sur lui et l’avait pris à la gorge.« Enculé ! Enculé ! » criait-il.
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Total KheopsTome 1 - Saga Fabio Mon
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- Au revoir, monsieur Varounian, r
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