- L’auberge des Restanques. À la sortie d’Aix, en allant sur Vauvenargues.Les clignotants s’allumèrent instantanément dans ma tête. De renseignementssur Ugo, je zappais sur Leila.- Leila. Son corps, on l’a retrouvé pas loin de là.- Qu’est-ce qu’el<strong>le</strong> a à voir là-dedans ?- C’est ce que je me demande.- Tu crois aux coïncidences ?- Je crois à rien.J’avais accompagné Babette jusqu’à sa voiture, après m’être assuré qu’il n’yavait pas de danger immédiat dans la rue. Personne n’avait démarré derrière el<strong>le</strong>. Nivoiture, ni moto. J’avais attendu encore quelques minutes dehors. J’étais rentré,rassuré.- Fais gaffe à toi, avait-el<strong>le</strong> dit.Sa main avait caressé ma nuque. Je l’avais serrée contre moi.- Je peux plus recu<strong>le</strong>r, Babette. Je sais pas où ça va me conduire. Mais j’y vais.J’ai jamais eu de but dans ma vie. J’en ai un. Il vaut ce qu’il vaut, mais il me va.J’avais aimé la lumière de ses yeux quand el<strong>le</strong> se détacha de moi.- Le seul but, c’est de vivre.- C’est bien ce que je dis.Il me fallait maintenant faire face à Marie-Lou. J’avais espéré que Babettereste. El<strong>le</strong>s auraient pu dormir dans mon lit, moi sur <strong>le</strong> canapé. Mais Babette m’avaitrépondu que j’étais suffisamment grand pour dormir sur un canapé, même en sonabsence.Marie-Lou tenait la photo dans ses mains.- C’est qui, ces mecs ?- Du beau linge sa<strong>le</strong> ! Chaud, si tu veux savoir.- Tu t’occupes d’eux ?- Ça se pourrait.Je lui pris la photo des mains et la regardai une nouvel<strong>le</strong> fois. El<strong>le</strong> avait étéprise il y a trois mois. Les Restanques, ce soir-là, un dimanche, était habituel<strong>le</strong>mentfermé. Babette avait eu la photo par un journaliste du Méridional, invité à la fête. El<strong>le</strong>allait essayer d’en savoir plus sur <strong>le</strong>s participants et, surtout, sur ce que mijotaientensemb<strong>le</strong> <strong>le</strong>s frères Poli, Morvan et Wepter.Marie-Lou s’était assise sur <strong>le</strong> canapé, <strong>le</strong>s jambes repliées sous <strong>le</strong>s genoux.El<strong>le</strong> <strong>le</strong>va <strong>le</strong>s yeux sur moi. La marque des coups s’estompait.- Tu veux que je parte, c’est ça ?Je lui montrai la bouteil<strong>le</strong> de Lagavulin. El<strong>le</strong> hocha la tête. Je remplis <strong>le</strong>s verreset lui en tendis un.- Je peux pas tout t’expliquer. Je suis dans une sa<strong>le</strong> affaire, Marie-Lou. Tu l’ascompris, hier soir. Les choses vont se compliquer. Ici, ça va devenir dangereux. C’estpas des tendres, dis-je encore en pensant aux gueu<strong>le</strong>s de Morvan et de Wep<strong>le</strong>r.El<strong>le</strong> ne cessait de me regarder. Je la désirais très fort. J’avais envie de me jetersur el<strong>le</strong> et de la prendre, comme ça, par terre. C’était la manière la plus simp<strong>le</strong> pouréviter de par<strong>le</strong>r. Je ne pensais pas que c’est ce qu’el<strong>le</strong> désirait, que je me jette surel<strong>le</strong>. Je ne bougeai pas.- Ça, j’ai compris. Je suis quoi, pour toi ?- Une pute… Que j’aime bien.- Salaud !El<strong>le</strong> lança son verre dans ma direction. Je l’avais pressenti et je l’esquivai. Leverre se brisa sur <strong>le</strong> carrelage. Marie-Lou ne bougea pas.
- Tu veux un autre verre ?- Oui, s’il te plaît.Je la resservis, et m’assis près d’el<strong>le</strong>. Le plus dur était passé.- Tu veux quitter ton mac ?- Je sais rien faire d’autre.- J’aimerais que tu fasses autre chose.- Ah, oui. Et quoi ? Caissière chez Prisu, c’est ça ?- Pourquoi pas ? La fil<strong>le</strong> de mon équipier, el<strong>le</strong> fait ça. El<strong>le</strong> a ton âge, ou guèremieux.- Tu par<strong>le</strong>s d’un enfer !- Te faire sauter, par des types que tu connais pas, c’est mieux ?El<strong>le</strong> resta si<strong>le</strong>ncieuse. À regarder <strong>le</strong> fond de son verre. Comme l’autre soirquand je l’avais retrouvée chez O’Stop.- T’y pensais déjà ?- Je fais plus <strong>le</strong> chiffre, depuis quelque temps. J’y arrive plus. À m’enfi<strong>le</strong>r tousces mecs. D’où la raclée.- Je croyais que c’était à cause de moi.- Toi, t’as été <strong>le</strong> prétexte.Le jour se <strong>le</strong>vait quand on cessa de par<strong>le</strong>r. L’histoire de Marie-Lou, c’était cel<strong>le</strong>de toutes <strong>le</strong>s Marie-Lou du monde. À la virgu<strong>le</strong> près. À commencer par <strong>le</strong> viol par <strong>le</strong>papa, chômeur, pendant que maman fait <strong>le</strong>s ménages pour nourrir la famil<strong>le</strong>. Lesfrères qui s’en foutent, parce que t’es qu’une fil<strong>le</strong>. Sauf s’ils te voient frayer avec unBlanc ou, pire, avec un beur. Les claques qui p<strong>le</strong>uvent, pour un oui pour un rien.Parce que <strong>le</strong>s claques c’est <strong>le</strong>s carambars du pauvre.Marie-Lou avait fugué à dix-sept ans, un soir en sortant du lycée. Seu<strong>le</strong>. Sonpetit copain de classe s’était dégonflé. Ciao, <strong>le</strong> Pierrot. Et adieu La Garenne-Colombes. Direction <strong>le</strong> Sud. Le premier camionneur descendait vers Rome.- C’est au retour, qu’j’ai compris. Qu’je finirais pute. Y m’a larguée à Lyon, aveccinq cents bal<strong>le</strong>s. Y avait sa femme et ses gamins qui l’attendaient. Y m’avait baiséepour plus que ça, mais bon, j’avais bien aimé ! Et l’aurait pu me jeter sans un. C’était<strong>le</strong> premier, ça pas été <strong>le</strong> pire.« Tous <strong>le</strong>s mecs qu’j’ai rencontrés après, ils pensaient qu’à ça aussi, tirer <strong>le</strong>urcoup. Ça durait une semaine. Dans <strong>le</strong>ur petite tronche, j’étais trop bel<strong>le</strong> pour faire unefemme honnête. Ça doit <strong>le</strong>ur faire peur, quelque part, qu’j’sois baisab<strong>le</strong>. Un bon coup.Ou bien y voyaient en moi la pute qu’j’allais être. Qu’est-ce tu crois, toi ?- Je crois que <strong>le</strong> regard des autres est une arme de mort.- Tu par<strong>le</strong>s bien, dit-el<strong>le</strong> d’un air las. Mais t’aimerais pas une fil<strong>le</strong> comme moi,hein ?- Cel<strong>le</strong>s que j’ai aimées sont parties.- Moi, je pourrais rester. J’ai rien à perdre.Ses paro<strong>le</strong>s me bou<strong>le</strong>versaient. El<strong>le</strong> était sincère. El<strong>le</strong> se livrait. Et el<strong>le</strong> sedonnait, Marie-Lou.- Je supporterais pas d’être aimé par une femme qui n’a rien à perdre. Aimer,c’est ça, cette possibilité de perdre.- T’es un peu malade, Fabio. T’es pas heureux, toi, hein ?- Je m’en vante pas !Cela me fit rire. Pas el<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> me regarda, et je crus voir dans ses yeux de latristesse. Je ne sus si c’était pour el<strong>le</strong> ou pour moi. Ses lèvres se collèrent auxmiennes. El<strong>le</strong> sentait l’hui<strong>le</strong> de cajou.- Je vais me coucher, dit-el<strong>le</strong>. C’est mieux, non ?
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