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- Tu veux un autre verre ?- Oui, s’il te plaît.Je la resservis, et m’assis près d’el<strong>le</strong>. Le plus dur était passé.- Tu veux quitter ton mac ?- Je sais rien faire d’autre.- J’aimerais que tu fasses autre chose.- Ah, oui. Et quoi ? Caissière chez Prisu, c’est ça ?- Pourquoi pas ? La fil<strong>le</strong> de mon équipier, el<strong>le</strong> fait ça. El<strong>le</strong> a ton âge, ou guèremieux.- Tu par<strong>le</strong>s d’un enfer !- Te faire sauter, par des types que tu connais pas, c’est mieux ?El<strong>le</strong> resta si<strong>le</strong>ncieuse. À regarder <strong>le</strong> fond de son verre. Comme l’autre soirquand je l’avais retrouvée chez O’Stop.- T’y pensais déjà ?- Je fais plus <strong>le</strong> chiffre, depuis quelque temps. J’y arrive plus. À m’enfi<strong>le</strong>r tousces mecs. D’où la raclée.- Je croyais que c’était à cause de moi.- Toi, t’as été <strong>le</strong> prétexte.Le jour se <strong>le</strong>vait quand on cessa de par<strong>le</strong>r. L’histoire de Marie-Lou, c’était cel<strong>le</strong>de toutes <strong>le</strong>s Marie-Lou du monde. À la virgu<strong>le</strong> près. À commencer par <strong>le</strong> viol par <strong>le</strong>papa, chômeur, pendant que maman fait <strong>le</strong>s ménages pour nourrir la famil<strong>le</strong>. Lesfrères qui s’en foutent, parce que t’es qu’une fil<strong>le</strong>. Sauf s’ils te voient frayer avec unBlanc ou, pire, avec un beur. Les claques qui p<strong>le</strong>uvent, pour un oui pour un rien.Parce que <strong>le</strong>s claques c’est <strong>le</strong>s carambars du pauvre.Marie-Lou avait fugué à dix-sept ans, un soir en sortant du lycée. Seu<strong>le</strong>. Sonpetit copain de classe s’était dégonflé. Ciao, <strong>le</strong> Pierrot. Et adieu La Garenne-Colombes. Direction <strong>le</strong> Sud. Le premier camionneur descendait vers Rome.- C’est au retour, qu’j’ai compris. Qu’je finirais pute. Y m’a larguée à Lyon, aveccinq cents bal<strong>le</strong>s. Y avait sa femme et ses gamins qui l’attendaient. Y m’avait baiséepour plus que ça, mais bon, j’avais bien aimé ! Et l’aurait pu me jeter sans un. C’était<strong>le</strong> premier, ça pas été <strong>le</strong> pire.« Tous <strong>le</strong>s mecs qu’j’ai rencontrés après, ils pensaient qu’à ça aussi, tirer <strong>le</strong>urcoup. Ça durait une semaine. Dans <strong>le</strong>ur petite tronche, j’étais trop bel<strong>le</strong> pour faire unefemme honnête. Ça doit <strong>le</strong>ur faire peur, quelque part, qu’j’sois baisab<strong>le</strong>. Un bon coup.Ou bien y voyaient en moi la pute qu’j’allais être. Qu’est-ce tu crois, toi ?- Je crois que <strong>le</strong> regard des autres est une arme de mort.- Tu par<strong>le</strong>s bien, dit-el<strong>le</strong> d’un air las. Mais t’aimerais pas une fil<strong>le</strong> comme moi,hein ?- Cel<strong>le</strong>s que j’ai aimées sont parties.- Moi, je pourrais rester. J’ai rien à perdre.Ses paro<strong>le</strong>s me bou<strong>le</strong>versaient. El<strong>le</strong> était sincère. El<strong>le</strong> se livrait. Et el<strong>le</strong> sedonnait, Marie-Lou.- Je supporterais pas d’être aimé par une femme qui n’a rien à perdre. Aimer,c’est ça, cette possibilité de perdre.- T’es un peu malade, Fabio. T’es pas heureux, toi, hein ?- Je m’en vante pas !Cela me fit rire. Pas el<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> me regarda, et je crus voir dans ses yeux de latristesse. Je ne sus si c’était pour el<strong>le</strong> ou pour moi. Ses lèvres se collèrent auxmiennes. El<strong>le</strong> sentait l’hui<strong>le</strong> de cajou.- Je vais me coucher, dit-el<strong>le</strong>. C’est mieux, non ?

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