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4 - Où un cognac n’est pas ce qui peut faire <strong>le</strong> plus de mal.Je sursautai. Il y avait eu un bruit sourd. Puis j’entendis un enfant p<strong>le</strong>urer. Àl’étage au-dessus. Je ne savais plus où j’étais. Un instant. J’avais la bouche pâteuse,la tête lourde. J’étais allongé sur <strong>le</strong> lit tout habillé. Le lit de Lo<strong>le</strong>. Je me souvenais. Enquittant Marie-Lou au petit matin, j’étais venu ici. Et j’avais forcé la porte.Nous n’avions aucune raison de traîner plus longtemps place de l’Opéra. Lequartier était bouclé. Bientôt, il grouil<strong>le</strong>rait de flics en tous genres. Trop de monde queje ne souhaitais pas rencontrer. J’avais pris Marie-Lou par <strong>le</strong> bras et l’avais entraînéede l’autre côté du cours Jean Ballard, place Thiars. Chez Mario. Une assiette demozzarella et tomates, avec câpres, anchois et olives noires. Un plat de spaghetti auxclovisses. Un tiramissu. Le tout arrosé d’un Bandol du domaine de Pibarnon.On parla de tout et de rien. El<strong>le</strong> plus que moi. Avec langueur. Détachant sesmots comme si el<strong>le</strong> épluchait une pêche. Je l’écoutais, mais seu<strong>le</strong>ment des yeux, melaissant emporter par son sourire, <strong>le</strong> dessin de ses lèvres <strong>le</strong>s fossettes de ses joues,la mobilité étonnante de son visage. La regarder, et sentir son genou contre <strong>le</strong> mien,ne permettait pas de penser.- Quel concert ? je finis par dire.- Mais où qu’tu vis ? Le concert. À la Friche. Avec Massilia.La Friche, c’est l’ancienne manufacture de tabac. Cent vingt mil<strong>le</strong> mètres carrésde locaux, derrière la gare Saint-Char<strong>le</strong>s. Cela ressemb<strong>le</strong> aux squats d’artistes deBerlin, et au PSI de Queen à New York. On y avait installé des ateliers de création,des studios de répétition, un journal, Taktik, Radio Grenouil<strong>le</strong>, un restaurant, une sal<strong>le</strong>de concert.- Cinq mil<strong>le</strong>, qu’on était. Génial ! Ces mecs-là, y savent te foutre <strong>le</strong> feu.- Tu comprends <strong>le</strong> provençal, toi ?La moitié des chansons de Massilia était en patois. Du provençal maritime. Dufrançais de Marseil<strong>le</strong>, comme ils disent à Paris. Parlam de realitat dei cavas dauquotidian, chantait Massilia.- T’en as rien à foutre. De comprendre, ou pas. On est des galériens, pas desdemeurés. Y a qu’ça à comprendre.El<strong>le</strong> me regarda, avec curiosité. Peut-être bien que j’étais un demeuré. J’étaisde plus en plus déconnecté de la réalité. Je traversais Marseil<strong>le</strong>, mais sans plus rienen voir. Je ne connaissais plus que sa vio<strong>le</strong>nce sourde, et son racisme à f<strong>le</strong>ur depeau. J’oubliais que la vie, ce n’était pas seu<strong>le</strong>ment ça. Que dans cette vil<strong>le</strong>, malgrétout, on aimait vivre, faire la fête. Que chaque jour <strong>le</strong> bonheur était une idée neuve,même si au bout de la nuit ça se soldait par un contrô<strong>le</strong> d’identité musclé.On avait fini de manger, vidé la bouteil<strong>le</strong> de Bandol, et avalé deux cafés.- On y va voir un peu ?C’était l’expression consacrée. Voir un peu, c’est chercher <strong>le</strong> bon plan pour lanuit. Je l’avais laissée me guider. Nous avions commencé par <strong>le</strong> Trol<strong>le</strong>ybus, quai deRive-Neuve. Un temp<strong>le</strong> dont j’ignorais tout de l’existence. Ce qui fit sourire Marie-Lou.- Mais tu fais quoi de tes nuits ?- Je pêche des daurades.El<strong>le</strong> éclata de rire. À Marseil<strong>le</strong>, une daurade, c’est aussi une bel<strong>le</strong> fil<strong>le</strong>. L’ancienarsenal des galères s’ouvrait sur un couloir d’écrans télé. Au bout, sous <strong>le</strong>s voûtes,des sal<strong>le</strong>s rap, techno, rock, reggae. Tequila pour commencer, et reggae pour la soif.Depuis quand n’avais-je plus dansé ? Un sièc<strong>le</strong>. Mil<strong>le</strong> ans. On changea de lieu, de

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