Je l’attirai vers moi. El<strong>le</strong> avait deux b<strong>le</strong>us à l’épau<strong>le</strong>, une marque rouge sur <strong>le</strong>cou. El<strong>le</strong> se serra contre moi et se mit à p<strong>le</strong>urer, doucement. Son ventre était chaudcontre <strong>le</strong> mien. Ça me fit un bien immense. Je lui caressai <strong>le</strong>s cheveux.- On est en piteux état, toi et moi. Tu vas me raconter.Je me dégageai d’el<strong>le</strong>, ouvris la pharmacie et attrapai une boîte de Doliprane.La dou<strong>le</strong>ur m’envahissait.- Attrape deux verres dans la cuisine. Et la bouteil<strong>le</strong> de Lagavulin, qui doittraîner par là.Je regagnai la chambre, sans me redresser. Je me laissai tomber sur <strong>le</strong> lit, puismis <strong>le</strong> réveil à sept heures.Marie-Lou revint. El<strong>le</strong> avait un corps merveil<strong>le</strong>ux. Ce n’était plus une prostituée.Je n’étais plus un flic. Nous étions deux pauvres éclopés de la vie. J’avalai deuxDoliprane avec un peu de whisky. Je lui en proposai un. El<strong>le</strong> refusa.- Y a rien à raconter. Y m’a tabassée parce que j’étais avec toi.- Avec moi ?- T’es flic.- Comment il <strong>le</strong> sait ?- Tout se sait chez O’Stop.Je regardai l’heure. Je vidai mon verre.- Reste là. Jusqu’à ce que je revienne. Tu bouges pas. Et…Je crois que je ne terminai pas ma phrase.Mourrabed, on <strong>le</strong> cueillit comme prévu. Au pieu, <strong>le</strong>s yeux gonflés de sommeil,<strong>le</strong>s cheveux en batail<strong>le</strong>. Avec lui, une gamine qui n’avait pas dix-huit ans. Il portait unca<strong>le</strong>çon à f<strong>le</strong>urs et un tee-shirt avec l’inscription : « Encore ». Nous n’avions avertipersonne. Ni <strong>le</strong>s Stups, qui nous auraient dit de laisser tomber. Choper <strong>le</strong>sintermédiaires revenait à entraver <strong>le</strong>ur action contre <strong>le</strong>s gros. Ça <strong>le</strong>s affolait, disaientils.Ni <strong>le</strong> commissariat de secteur, qui se serait empressé de faire passer <strong>le</strong> messagedans <strong>le</strong>s cités, pour nous contrer. Cela se produisait de plus en plus fréquemment.Nous, Mourrabed, on se l’amenait comme un délinquant ordinaire. Pourvio<strong>le</strong>nces et voies de fait. Et maintenant, détournement de mineure. Mais ce n’étaitpas un délinquant ordinaire. On l’embarqua tel quel, sans l’autoriser à s’habil<strong>le</strong>r. Unehumiliation, purement gratuite. Il se mit à hur<strong>le</strong>r. À nous traiter de fascistes, de nazis,et d’enculés de ta race, de ta mère, de ta sœur. Ça nous amusait. Les portess’ouvraient sur <strong>le</strong>s paliers et chacun pouvait <strong>le</strong> contemp<strong>le</strong>r menottes aux poignets, enca<strong>le</strong>çon et tee-shirt.Dehors, on s’offrit même <strong>le</strong> temps d’une cigarette avant de <strong>le</strong> mettre dans <strong>le</strong>car. Histoire de <strong>le</strong> faire admirer par tous, déjà aux fenêtres. L’information circu<strong>le</strong>raitdans <strong>le</strong>s cités. Mourrabed en ca<strong>le</strong>çon, une image qui ferait sourire, qui resterait.C’était autre chose que de se faire coincer dans un rodéo à travers <strong>le</strong>s cités.On débarqua au commissariat de l’Estaque sans crier gare. Ça ne <strong>le</strong>s enchantapas. Ils se voyaient déjà assiégés par des centaines de mômes armés jusqu’auxdents. Ils voulaient nous renvoyer d’où nous venions. À notre commissariat desecteur.- La plainte a été enregistrée ici, dit Pérol. On vient donc rég<strong>le</strong>r l’affaire ici.Logique, non ? Il poussa Mourrabed devant lui. On va avoir une autre cliente. Unemineure qu’on a pêchée avec lui. El<strong>le</strong> est en train de s’habil<strong>le</strong>r.Sur place, on avait laissé Cerutti avec une dizaine de gars. Je voulais qu’ilsprennent une première déposition de la fil<strong>le</strong>. Qu’ils passent l’appartement, ainsi que lavoiture de Mourrabed, au peigne fin. Ils avertiraient ensuite <strong>le</strong>s parents de la gamine,et la ramèneraient ici.
- Ça va faire du monde, sûr, que je dis.Mourrabed s’était assis, et nous écoutait. Il se marrait presque. Je m’approchaide lui, <strong>le</strong> saisis par <strong>le</strong> cou et <strong>le</strong> mis debout, sans <strong>le</strong> lâcher.- Pourquoi t’es là ? T’as une idée ?- Ouais. J’ai tiré une claque à un keum l’autre soir. Bourré, j’étais.- Ben oui. Comme qui dirait t’as des lames de rasoir dans la main. C’est ça ?Puis <strong>le</strong>s forces me manquèrent. Je devins livide. Mes jambes se mirent àtremb<strong>le</strong>r. J’allais tomber et j’eus envie de vomir. Sans savoir par où commencer.- Fabio ! dit Pérol.- Emmène-moi aux chiottes.Depuis <strong>le</strong> matin j’avais avalé six Doliprane, trois Guronsan et des tonnes decafé. Je n’étais pas flamme, mais je tenais debout. Quand <strong>le</strong> réveil avait sonné, Marie-Lou avait grogné et s’était retournée. Je lui fis prendre un Lexomil, pour qu’el<strong>le</strong> dormeen paix. J’avais des courbatures dans <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s, dans <strong>le</strong> dos. Et la dou<strong>le</strong>ur ne melâchait pas. À peine <strong>le</strong> pied posé par terre que ça tiraillait dans tous <strong>le</strong>s sens. Commesi j’avais une machine à coudre dans l’estomac. Ça me mit la haine.- Batisti, je dis dès qu’il décrocha. Tes potes, ils auraient dû me faire la peau.Mais t’es rien qu’un vieux connard de trou du cul de merde. Tu vas en chier, commejamais dans ta pourriture de vie.- Monta<strong>le</strong> ! il hurla dans <strong>le</strong> combiné.- Ouais. Je t’écoute.- Qu’est-ce tu racontes ?- Que je suis passé sous un rou<strong>le</strong>au compresseur, hé con ! Ça te ferait banderque je te donne <strong>le</strong>s détails ?- Monta<strong>le</strong>, j’y suis pour rien. Je te jure.- Jure pas, enfoiré ! Tu m’expliques ?- J’y suis pour rien.- Tu te répètes.- Je sais rien.- Écoute, Batisti, pour moi t’es qu’un enculé de première. Mais je veux bien tecroire. Je te donne vingt-quatre heures, pour te renseigner. Je t’appel<strong>le</strong> demain. Je tedirai où se retrouver. T’as intérêt à avoir de bons tuyaux.Pérol avait bien vu que je n’étais pas dans mon assiette, quand je l’avaisretrouvé. Il ne cessait de me jeter des regards inquiets. Je l’avais rassuré, eninvoquant un vieil ulcère.- Ouais, je vois, il avait fait.Il voyait trop bien. Mais je n’avais pas envie de lui raconter <strong>le</strong> passage à tabac.Ni <strong>le</strong> reste, Manu, Ugo. J’avais fait mouche, quelque part. L’avertissement était clair.Je n’y comprenais rien, mais j’avais mis <strong>le</strong> doigt dans un engrenage. Je savais que jepouvais, moi aussi, y laisser ma peau. Mais ce n’était que moi, Fabio Monta<strong>le</strong>. Jen’avais ni femme ni môme. Personne ne me p<strong>le</strong>urerait. Pérol, je ne voulais pasl’entraîner dans mes histoires. Je <strong>le</strong> connaissais suffisamment. Pour l’amitié, il étaitprêt à plonger dans n’importe quel merdier. Et il était évident que là où j’allais, ça puaitsa<strong>le</strong>ment. Pire que dans <strong>le</strong>s chiottes de ce commissariat.L’odeur de pisse semblait imprégner <strong>le</strong>s murs. Je crachai. Des glaires au café.Dans mon estomac, c’était marée haute et marée basse en trente secondes. Entre <strong>le</strong>sdeux, un cyclone. J’ouvris la gueu<strong>le</strong> encore plus grand. Cela m’aurait soulagé devomir tripes et boyaux. Mais je n’avais rien dans l’estomac depuis hier midi.- Café, dit Pérol derrière moi.- Ça va pas descendre.- Essaie.
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C’est ça qu’ils avaient dû lu
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sûr que les parents de Karine, sur
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Tanagra. L’un des truands abattu
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le téléphone personnel de Pérol.
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pourtant ça que j’avais envie de
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ÉpilogueRien ne change, et c’est
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Le monde se remettait en ordre. Nos