11.07.2015 Views

Lire le livre

Lire le livre

Lire le livre

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

des truands, des fascistes. Et maintenant Raoul Farge, qui entreposait dans la cavede Mourrabed assez de matériel pour prendre d’assaut la Banque de France.Merde ! À quoi étaient destinées toutes ces armes ? Une idée intéressante metraversa l’esprit, mais la dernière gorgée de Lagavulin eut raison de mes réf<strong>le</strong>xions. Jen’eus pas <strong>le</strong> temps de regarder l’heure. Quand <strong>le</strong> réveil sonna, il me sembla ne pasavoir fermé l’œil.Marie-Lou avait dû se battre toute la nuit contre des monstres. Les oreil<strong>le</strong>rsétaient en bou<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s draps plissés d’avoir été trop étreints. El<strong>le</strong> dormait au-dessusdu drap, sur <strong>le</strong> ventre, la tête tournée. Je ne voyais pas son visage. Je ne voyais queson corps. J’étais un peu idiot avec <strong>le</strong>s tasses de café et <strong>le</strong>s croissants.J’avais nagé une bonne demi-heure. Le temps de cracher toutes <strong>le</strong>s cigarettesdu monde et de sentir <strong>le</strong>s musc<strong>le</strong>s de mon corps se tendre à péter. Droit devant moi,au-delà de la digue. Sans plaisir. Avec vio<strong>le</strong>nce. J’avais arrêté quand mon estomac secontracta. L’élancement me rappela <strong>le</strong>s coups que j’avais reçus. Le souvenir de ladou<strong>le</strong>ur se mua en peur. Une peur panique. Une seconde, je crus que j’allais menoyer.Ce n’est que sous la douche, au contact de l’eau tiède que je retrouvail’apaisement. J’avais avalé un jus d’orange, puis j’étais sorti acheter des croissants.J’avais fait une halte chez Fonfon, pour lire <strong>le</strong> journal en buvant un café. Malgré lapression de certains clients, on ne pouvait toujours y trouver que Le Provençal et LaMarseillaise. Pas Le Méridional. Fonfon méritait mon assiduité.Il y avait eu une raf<strong>le</strong> d’envergure, la nuit dernière. Menée par plusieursbrigades, dont cel<strong>le</strong> d’Auch. Une raf<strong>le</strong> méthodique selon la règ<strong>le</strong> des trois B. Bars,bordels, boîtes de nuit. Tous <strong>le</strong>s lieux chauds y étaient passés : place d’Aix, coursBelzunce, place de l’Opéra, cours Julien, la Plaine et même place Thiars. Plus d’unesoixantaine d’interpellations, exclusivement des Arabes en situation irrégulière.Quelques prostituées. Quelques voyous. Mais pas de truands notab<strong>le</strong>s. Même pas unpetit truand de rien du tout. Les commissaires concernés s’étaient refusés à toutcommentaire, mais <strong>le</strong> journaliste laissait entendre que ce type d’opération pourrait sereproduire. Il fallait assainir la vie nocturne marseillaise.Pour qui savait lire entre <strong>le</strong>s lignes, la situation était claire. Il n’y avait plus dechef connu dans la voyoucratie marseillaise. Zucca était mort et Al Dakhil l’avait rejointau pays des salauds. La police occupait la place et la brigade d’Auch prenait sesmarques. Il voulait savoir qui était maintenant son interlocuteur. Ma main à couper, medis-je, que Joseph Poli sera l’homme de la situation. Cela me fit frissonner. Sonascension reposait sur un groupe d’extrémistes. Un homme politique avait dû parierson avenir là-dessus. Ugo, j’en étais maintenant sûr, avait été l’instrument de la maindu diab<strong>le</strong>.- Je ne dors pas, dit Marie-Lou au moment où je repartais avec café etcroissants.El<strong>le</strong> tira <strong>le</strong> drap sur el<strong>le</strong>. Son visage était fatigué et je supposai qu’el<strong>le</strong> avaitaussi mal dormi que moi. Je m’assis sur <strong>le</strong> bord du lit, posai <strong>le</strong> plateau à côté d’el<strong>le</strong> etl’embrassai sur <strong>le</strong> front.- Ça va ?- C’est gentil, dit-el<strong>le</strong> en regardant <strong>le</strong> plateau. C’est la première fois qu’onm’apporte <strong>le</strong> déjeuner au lit.Je ne répondis pas. On prit notre café en si<strong>le</strong>nce. Je la regardai manger. El<strong>le</strong>gardait la tête baissée. Je lui tendis une cigarette. Nos yeux se croisèrent. Les siensétaient tristes. Je mis dans mon regard toute la douceur possib<strong>le</strong>.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!