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Batisti était un vieux renard. Il mastiqua avec application, finit son verre de vin.- Qu’est-ce que tu sais ?- Des choses, que je devrais pas savoir.Ses yeux cherchèrent dans <strong>le</strong>s miens <strong>le</strong>s indices du bluff. Je ne cillai pas.- Mes informateurs étaient formels.- Arrête, Batisti ! Tes informateurs, je m’en tape. Y en a pas ! C’est ce qu’on t’adit de dire, et tu l’as dit. T’as envoyé Ugo faire ce que personne n’avait <strong>le</strong>s couil<strong>le</strong>s derisquer. Zucca était sous protection. Et Ugo, après, il s’est fait dessouder. Par desflics. Bien informés. Un piège.J’avais l’impression de pêcher à la palangre. P<strong>le</strong>in d’hameçons, et j’attendais<strong>le</strong>s touches. Il avala son café, et j’eus <strong>le</strong> sentiment d’avoir épuisé mon crédit.- Écoute, Monta<strong>le</strong>. Y a une version officiel<strong>le</strong>, tu t’y tiens. T’es flic de banlieue,reste-<strong>le</strong>. T’as un joli cabanon, tâche de <strong>le</strong> garder. Il se <strong>le</strong>va. Les conseils sont gratuits.L’addition est pour moi.- Et pour Manu ? Tu sais rien non plus ? Tu t’en tapes !Je dis ça par colère. J’étais con. J’avais lâché <strong>le</strong>s hypothèses que j’avaiséchafaudées. Autant dire rien de solide. Je ne ramenais qu’une menace, à peinevoilée. Batisti n’était venu que pour s’informer de ce que je savais.- Ce qui vaut pour Ugo vaut pour Manu.- Mais tu l’aimais bien, Manu. Non ?Il me jeta un mauvais regard. J’avais fait mouche. Mais il ne me répondit pas. Ilse <strong>le</strong>va et partit vers <strong>le</strong> comptoir, l’addition à la main. Je <strong>le</strong> suivis.- Je vais te dire, Batisti. Tu viens de me baiser la gueu<strong>le</strong>, OK. Mais crois pasque je vais laisser tomber. Ugo est passé par toi, pour avoir un tuyau. Tu l’as niqué enbeauté. Il voulait juste venger Manu. Alors je vais pas te lâcher. Il ramassa lamonnaie. Je posai ma main sur son bras et approchai mon visage de son oreil<strong>le</strong>. Jemurmurai : Encore une chose. T’as tel<strong>le</strong>ment peur de crever, que tu es prêt à tout. Tuchies dans ton froc. T’as pas d’honneur, Batisti. Quand je saurai, pour Ugo, jet’oublierai pas. Crois-moi.Il dégagea son bras, me regarda tristement. Avec pitié.- On te fera la peau avant.- Ça vaudrait mieux pour toi.Il sortit sans se retourner. Je <strong>le</strong> suivis des yeux, un instant. Je commandai unautre café. Les deux touristes italiens se <strong>le</strong>vèrent et partirent dans une profusion de« Ciao, ciao ».Si Ugo avait encore de la famil<strong>le</strong> à Marseil<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> ne devait pas lire <strong>le</strong>sjournaux. Personne ne s’était manifesté après qu’il s’était fait descendre, ni après laparution de l’avis de décès que j’avais passé dans <strong>le</strong>s trois quotidiens du matin.L’autorisation d’inhumer avait été délivrée vendredi. Il m’avait fallu choisir. Je nesouhaitais pas <strong>le</strong> voir partir à la fosse commune, comme un chien. J’avais cassé matirelire et pris sur moi <strong>le</strong>s frais d’enterrement. Je ne partirais pas en vacances cetteannée. De toute façon, je ne partais jamais en vacances.Les types ouvrirent <strong>le</strong> caveau. C’était celui de mes parents. Il y avait encoreune place pour moi, là-dedans. Mais j’étais décidé à prendre mon temps. Mesparents, je ne voyais pas en quoi cela pouvait <strong>le</strong>s gêner, d’avoir un peu de visite. Ilfaisait une cha<strong>le</strong>ur d’enfer. Je regardai <strong>le</strong> trou sombre et humide. Ugo, il n’allait pasaimer ça. Personne d’ail<strong>le</strong>urs. Leila non plus. On l’enterrait demain. Je n’avais pasencore décidé si j’irais ou pas. Pour eux, Mouloud et ses enfants, je n’étais plus qu’unétranger. Et un flic. Qui n’avait rien pu empêcher.Tout se déglinguait. J’avais vécu ces dernières années avec tranquillité et

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