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qu’un flic pouvait déborder la loi ? Se satisfaire de la justice ? Et qui s’en souciait, dela justice, quand il ne s’agissait que de malfrats ? Personne. Il y avait cela dans <strong>le</strong>syeux d’Honorine. Et el<strong>le</strong> se répondait oui, oui, et encore oui, et enfin non, à sesquestions. Et el<strong>le</strong> me voyait allongé dans <strong>le</strong> caniveau. Cinq bal<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong> dos, commepour Manu. Ou trois, comme pour Ugo. Trois ou cinq, qu’est-ce que ça changeait. Unesuffisait pour al<strong>le</strong>r lécher la merde du caniveau. Et el<strong>le</strong> ne voulait pas, Honorine.J’étais <strong>le</strong> dernier. L’honneur des survivants, c’est de survivre. De rester debout. Êtreen vie, c’était être <strong>le</strong> plus fort.Je l’avais laissée devant sa tasse à café. Je l’avais regardée. Le visagequ’aurait pu avoir ma mère. Avec <strong>le</strong>s rides de cel<strong>le</strong> qui aurait perdu deux de ses filsdans une guerre qui ne la concernait pas. El<strong>le</strong> avait tourné la tête. Vers la mer.- Il aurait dû venir me voir, avait-el<strong>le</strong> dit.Depuis sa création, je n’avais fait qu’une dizaine de fois l’al<strong>le</strong>r-retour sur la ligne1 du métro. Castelanne-La Rose. Des quartiers chics, où <strong>le</strong> centre de la vil<strong>le</strong> s’étaitdéplacé avec bars, restaurants, cinémas, au quartier nord où il n’y avait aucune raisond’al<strong>le</strong>r trainer ses baskets si on n’y était pas obligé.Depuis quelques jours, un groupe de jeunes beurs faisait du chahut sur <strong>le</strong>trajet. La sécurité du métro penchait pour la manière forte. Les Arabes, ils necomprenaient que ça. Je connaissais <strong>le</strong> refrain. Sauf que cela n’avait jamais payé. Niau métro. Ni à la SNCF. Après des passages à tabac, il y avait eu des représail<strong>le</strong>s.Voie bloquée sur la ligne Marseil<strong>le</strong>-Aix, après la gare de Septêmes-<strong>le</strong>s-Vallons, il y aun an. Jets de pierres sur <strong>le</strong> métro à la station Frais-Vallon, il y a six mois.J’avais donc proposé l’autre méthode. Cel<strong>le</strong> qui consiste à établir un dialogueavec la bande. À ma manière. Les cow-boys du métro avaient rigolé. Mais, pour unefois, la direction ne <strong>le</strong>ur céda pas et me donna carte blanche.Pérol et Cerutti m’accompagnaient. Il était 18 heures. La balade pouvaitcommencer. Une heure avant j’avais fait un saut jusqu’au garage où Driss travaillait.Je voulais qu’on par<strong>le</strong> de Leila.Il finissait sa journée. Je l’attendis en discutant avec son patron. Un chaudpartisan des contrats d’apprentissage. Surtout quand <strong>le</strong>s apprentis bossent commedes ouvriers. Et Driss ne lésinait pas sur <strong>le</strong> boulot. Il se shootait au cambouis. Tous<strong>le</strong>s soirs il en avait sa dose. C’était moins malsain que du crack, ou de l’héro. C’est cequ’on disait. Et je <strong>le</strong> pensais. Mais ça n’en bouffait pas moins la tête. Driss devaittoujours faire ses preuves. Et n’oublie pas de dire oui monsieur, non monsieur. Et defermer sa gueu<strong>le</strong> en permanence, parce que, merde, quand même, c’était qu’un sa<strong>le</strong>bougnou<strong>le</strong>. Pour <strong>le</strong> moment, il tenait bon.Je l’avais entraîné au bar du coin. Le Disque b<strong>le</strong>u. Un bar crade, comme <strong>le</strong>patron. À sa gueu<strong>le</strong>, on devinait que <strong>le</strong>s Arabes, ici, avaient <strong>le</strong> droit de faire <strong>le</strong> loto, <strong>le</strong>PMU, et de consommer debout. Même en me donnant une vague dégaine à la GaryCooper, pour avoir deux demis à une tab<strong>le</strong>, il me fallut presque lui montrer ma cartede flic. J’étais encore trop bronzé pour certains.- T’as arrêté l’entraînement ? je dis, en revenant avec <strong>le</strong>s bières.Sur mes conseils, il s’était inscrit dans une sal<strong>le</strong> de boxe, à Saint-Louis.Georges Mavros, un vieux copain, la dirigeait. Il fut un jeune espoir, après quelquescombats gagnés. Puis il dut choisir entre la femme qu’il aimait et la boxe. Il se maria. Ildevint camionneur. Quand il apprit que sa femme couchait partout dès qu’il prenait laroute, il était trop tard pour être champion. Il plaqua sa femme et son boulot, vendit cequ’il avait et ouvrit cette sal<strong>le</strong>.Driss avait toutes <strong>le</strong>s qualités pour ce sport. L’intelligence. Et la passion. Ilpourrait être aussi bon que Stéphane Haccoun ou Akim Tafer, ses ido<strong>le</strong>s. Mavros

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