Change d’identité, <strong>le</strong> plus vite possib<strong>le</strong>. Marine te rég<strong>le</strong>ra ça.- Et toi ? articula-t-el<strong>le</strong> avec peine.- Je t’appel<strong>le</strong> demain matin.Il regarda l’heure, se <strong>le</strong>va. Il passa près d’el<strong>le</strong> en évitant de la dévisager et alladans la sal<strong>le</strong> de bains. Derrière lui, il tira <strong>le</strong> loquet. Il n’avait pas envie que Lo<strong>le</strong> vienne<strong>le</strong> rejoindre sous la douche. Dans la glace, il vit sa tête. Il ne l’aimait pas. Il se sentaitvieux. Il ne savait plus sourire. Un pli d’amertume était apparu aux commissures deslèvres, qui ne se dissiperait plus. Il allait avoir quarante-cinq ans et cette journée seraitla plus moche de sa vie.Il entendit <strong>le</strong> premier accord de guitare de Entre dos aguas. Paco de Lucia.Lo<strong>le</strong> avait monté <strong>le</strong> son. Devant la chaîne, el<strong>le</strong> fumait, <strong>le</strong>s bras croisés.- Tu fais dans la nostalgie.- Je t’emmerde.Il prit <strong>le</strong> pisto<strong>le</strong>t, <strong>le</strong> chargea, mit la sécurité et <strong>le</strong> cala dans son dos entre lachemise et <strong>le</strong> pantalon. El<strong>le</strong> s’était retournée et avait suivi chacun de ses gestes.- Dépêche-toi. Je voudrais pas que tu rates ce train.- Qu’est-ce que tu vas faire ?- Foutre <strong>le</strong> bordel. Je crois.Le moteur de la moby<strong>le</strong>tte tournait au ra<strong>le</strong>nti. Pas un raté. 16 h 51. Rue desEspérettes, sous la villa de Char<strong>le</strong>s Zucca. Il faisait chaud. La sueur coulait dans sondos. Il avait hâte d’en finir.Il avait cherché <strong>le</strong>s beurs toute la matinée. Ils changeaient sans cesse de rues.C’était <strong>le</strong>ur règ<strong>le</strong>. Ça ne devait servir à rien, mais ils avaient sans doute <strong>le</strong>urs raisons.Il <strong>le</strong>s avait trouvés rue Fontaine-de-Caylus, qui était devenue une place, avec desarbres, des bancs. Il n’y avait qu’eux. Personne du quartier ne venait s’asseoir ici. Onpréférait rester devant sa porte. Les grands étaient assis sur <strong>le</strong>s marches d’unemaison, <strong>le</strong>s plus jeunes debout. La moby<strong>le</strong>tte à côté d’eux. En <strong>le</strong> voyant arriver, <strong>le</strong>chef s’était <strong>le</strong>vé, <strong>le</strong>s autres s’étaient écartés.- J’ai besoin de ta meu<strong>le</strong>. Pour l’après-midi. Jusqu’à six heures. Deux mil<strong>le</strong>,cash.Il surveilla <strong>le</strong>s a<strong>le</strong>ntours. Anxieux. Il avait misé que personne ne viendraitprendre <strong>le</strong> bus. Si quelqu’un se pointait, il renoncerait. Si, dans <strong>le</strong> bus, un passagervoulait descendre, ça, il ne <strong>le</strong> saurait que trop tard. C’était un risque. Il avait décidé de<strong>le</strong> prendre. Puis il se dit qu’à prendre ce risque, il pouvait tout aussi bien prendrel’autre. Il se mit à calcu<strong>le</strong>r. Le bus qui s’arrête. La porte qui s’ouvre. La personne quimonte. Le bus qui redémarre. Quatre minutes. Non, hier, cela avait pris trois minutesseu<strong>le</strong>ment. Disons quatre, quand même. Zucca aurait déjà traversé. Non, il aurait vula moby<strong>le</strong>tte et la laisserait passer. Il vida sa tête de toutes pensées en comptant etrecomptant <strong>le</strong>s minutes. Oui, c’était possib<strong>le</strong>. Mais après ce serait <strong>le</strong> western. 16H59.Il baissa la visière du casque. Il avait <strong>le</strong> pisto<strong>le</strong>t bien en main. Et ses mainsétaient sèches. Il accéléra, mais à peine, pour longer <strong>le</strong> trottoir. La main gauchecrispée sur <strong>le</strong> guidon. Le caniche apparut, suivi de Zucca. Un froid intérieur l’envahit.Zucca <strong>le</strong> vit arriver. Il s’arrêta au bord du trottoir, retenant <strong>le</strong> chien. Il comprit, mais troptard. Sa bouche s’arrondit, sans qu’il en sorte un son. Ses yeux s’agrandirent. Lapeur. Rien que cela aurait suffi. Qu’il ait chié dans son froc. Il appuya sur la détente.Avec dégoût. De soi. De lui. Des hommes. Et de l’humanité. Il vida <strong>le</strong> chargeur danssa poitrine.Devant la villa, la Mercedes bondit. À droite, <strong>le</strong> bus arrivait. Il dépassa l’arrêt.Sans ra<strong>le</strong>ntir. Il emballa la moby<strong>le</strong>tte et lui coupa la route, en <strong>le</strong> contournant. Il faillit seprendre <strong>le</strong> trottoir, mais il passa. Le bus pila net, bloquant l’accès de la rue à la
Mercedes. Il fila p<strong>le</strong>ins gaz, prit à gauche, à gauche encore, <strong>le</strong> Chemin du Souvenir,puis la rue des Roses. Rue des Bois-Sacrés, il jeta <strong>le</strong> pisto<strong>le</strong>t dans une bouched’égout. Quelques minutes après il roulait tranquil<strong>le</strong> rue d’Endoume.Alors seu<strong>le</strong>ment il se mit à penser à Lo<strong>le</strong>. L’un devant l’autre. Plus rien nepouvait être dit. Tu avais eu envie de son ventre contre <strong>le</strong> tien. Du goût de son corps.De son odeur. Menthe et basilic. Mais il y avait trop d’années entre vous, et trop desi<strong>le</strong>nce. Et Manu. Mort, et encore si vivant. Cinquante centimètres vous séparaient.De ta main, si tu l’avais avancée, tu aurais pu saisir sa tail<strong>le</strong> et l’attirer vers toi. El<strong>le</strong>aurait pu dénouer la ceinture de son peignoir. T’éblouir de la beauté de son corps.Vous vous seriez pris avec vio<strong>le</strong>nce. D’un désir inassouvi. Après, il y aurait eu après.Trouver <strong>le</strong>s mots. Des mots qui n’existaient pas. Après, tu l’aurais perdue. Pourtoujours. Tu étais parti. Sans au revoir. Sans un baiser. Une nouvel<strong>le</strong> fois.Il tremblait. Il freina devant <strong>le</strong> premier bistrot, bou<strong>le</strong>vard de la Corderie. Commeun automate, il mit la chaîne de sécurité, en<strong>le</strong>va <strong>le</strong> casque. Il avala un cognac. Il sentitla brûlure descendre au fond de lui. Le froid reflua de son corps. Il se mit à transpirer.Il fila aux toi<strong>le</strong>ttes pour enfin vomir. Vomir ses actes et ses pensées. Vomir celui qu’ilétait. Qui avait abandonné Manu. Qui n’avait pas eu <strong>le</strong> courage d’aimer Lo<strong>le</strong>. Un êtreen dérive. Depuis si longtemps. Trop longtemps. Le pire, c’est sûr, était devant lui. Audeuxième cognac, il ne tremblait plus. Il était revenu de lui-même.Il se gara Fontaine-de-Caylus. Les beurs n’étaient pas là. Il était 18h20.Étonnant. Il en<strong>le</strong>va <strong>le</strong> casque, l’accrocha au guidon, mais sans arrêter <strong>le</strong> moteur. Leplus jeune arriva, poussant un ballon devant lui. Il shoota dans sa direction.- Tire-toi, y a des keufs qui arrivent. Y en a qui matent devant chez ta meuf.Il démarra et remonta la ruel<strong>le</strong>. Ils devaient surveil<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s passages. Montéedes-Accou<strong>le</strong>s,Montée-Saint-Esprit, traverse des Repenties. Place de Lenche, biensûr. Il avait oublié de demander à Lo<strong>le</strong> si Franckie Malabe était revenu. Il avait peutêtreune chance en prenant la rue des Cartiers, tout en haut. Il quitta la moby<strong>le</strong>tte etdescendit <strong>le</strong>s marches en courant. Ils étaient deux. Deux jeunes flics en civil. En basdes escaliers.- Police.Il entendit la sirène, plus haut dans la rue. Coincé.Des portières claquaient. Ils arrivaient. Dans son dos.- On ne bouge plus !Il fit ce qu’il avait à faire. Il plongea la main sous son blouson. Il fallait en finir.Ne plus être en fuite. Il était là. Chez lui. Dans son quartier. Autant que cela soit ici.Marseil<strong>le</strong>, pour finir. Il braqua <strong>le</strong>s deux jeunes flics. Derrière lui, ils ne pouvaient pasvoir qu’il était sans arme. La première bal<strong>le</strong> lui déchira <strong>le</strong> dos. Son poumon explosa. Ilne sentit pas <strong>le</strong>s deux autres bal<strong>le</strong>s.
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Je l’attirai vers moi. Elle avait
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Tunisie, et on le revendait le doub
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coincés, ils avaient démissionné
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grand sourire. Un sourire carnassie
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keufs. Mes potes, y les ont chouff
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était partie.- Je vous dérange pa
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devienne amis, mais j’aimais bien
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orgueil. Quant à votre soi-disant
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l’Astra spécial en poche. Je lui
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point. Ce qui est rare. Habituellem
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plantai mes yeux dans ceux de Batis
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Françoise. Il était obligé de pa
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de-Mai restait identique à lui-mê
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« Crève-le ! » l’avait encoura
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C’est ça qu’ils avaient dû lu
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sûr que les parents de Karine, sur
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Tanagra. L’un des truands abattu
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le téléphone personnel de Pérol.
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pourtant ça que j’avais envie de
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ÉpilogueRien ne change, et c’est
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Le monde se remettait en ordre. Nos