ÉVALUATION DE LA CORRUPTION AU SÉNÉGAL
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avec les institutions chargées de régulation et supposées gérer l’intérêt général. L’appropriation des<br />
systèmes de régulation par les acteurs constitue dès lors un des leviers de marqueur d’intégrité.<br />
Prenons une autre perception présentant le Sénégal comme étant un pays où les confréries religieuses<br />
apparaissent comme des ascenseurs sociaux. Il est effectivement constant que les réseaux fondés sur<br />
l’appartenance à des confréries religieuses agissent comme support de protection sociale. Des recherches<br />
ont prouvé que ces réseaux offrent le plus d’opportunité d’insertion urbaine des migrants. Mais l’accès à<br />
l’habitat est davantage facilité par les réseaux bâtis sur le lien politique. De manière générale, les réseaux<br />
de groupe de pairs demeurent plus efficaces pour l’insertion professionnelle au sein des acteurs issus des<br />
couches sociales moyennes. Les réseaux organisés selon différents types de liens étendent leur ancrage<br />
dans les sociétés. Dans les différents cas, le contrôle de capital relationnel devient discriminant. La<br />
sélectivité des réseaux sociaux traduit plus d’opportunité pour ceux qui bénéficient de l’aile protectrice<br />
d’un détenteur de ressources et de pouvoir. L’entregent des uns est source de logique de patronage en<br />
faveur d’autres. Mais l’acteur a une appartenance plurielle à divers groupes sociaux, il peut agir sur cette<br />
souplesse relationnelle pour s’affranchir de la tutelle lorsqu’il a conscience d’asseoir des stratégies<br />
gagnantes par d’autres liens moins coercitifs. Cet élan à s’attirer les faveurs de personnages centraux<br />
serait un terreau au clientélisme.<br />
Il est loisible de relever la subordination que ce type de relations induit. On peut en retenir que lorsque<br />
l’accès inéquitable aux ressources et lieux de pouvoir devient la règle, les acteurs sociaux développent des<br />
stratégies individuelles de mobilisation de l’assistance voire la protection par des individualités ou<br />
groupes de lobbies. La subordination crée de la dépendance. Les protecteurs excellent dans le camouflage<br />
des déviances de leurs protégés. La stratégie de la courte échelle a tendance à se généraliser. Elle fonde<br />
l’impunité. Certains chefs religieux, des responsables politiques, de nombreux leaders sont actifs dans ce<br />
domaine et n’hésitent pas à recourir à leur influence pour éviter une sanction, différer une décision,<br />
soustraire leurs protégés de l’observance de règles pour tous.<br />
Le corrupteur ainsi que son complice sont habiles dans la manière dont ils manipulent les zones<br />
d’incertitudes et les flous/obscurs. Les cultures sénégalaises se seraient pareillement fait décerner le prix<br />
de gestion des ambiguïtés. Le maslaa (tolérance) refléterait-elle un manque de culture de la<br />
transparence ? Les non dits, cette forme de culture de l’implicite favoriserait-elle la corruption et la non<br />
transparence ? Ainsi que l’explique Solange Cormier 39 , la « tolérance à l’ambiguïté » (assimilable au<br />
maslaa) reste une marque de culture démocratique dans le sens qu’elle réserve de l’espace à la subtilité<br />
dans les relations interpersonnelles avec laquelle les différences sont internalisées comme marque de<br />
richesse dans les relations interculturelles. En contre point, relevons que le corrupteur a tendance à<br />
expliquer sa pratique déviante comme un comportement dérivé de la non acceptation des modes de<br />
gouvernance. Dans ce cadre, nous pouvons considérer que les ambiguïtés et les non dits peuvent faire le<br />
lit de la non transparence. Un seul exemple suffirait, celui du flou entretenu par la faible lisibilité des<br />
responsabilités, la délimitation des attributions et leurs conséquences sur l’imputabilité des résultats au<br />
sein de nombreux services publics.<br />
Les phénomènes culturels ne sont pas homogènes. Au sein de certains groupes sociaux, la socialisation<br />
reste hérétique. Certaines transgressions sont admises pour les castes inférieures. Ces groupes sociaux se<br />
donnent des règles qui les exemptent de certaines règles éthiques généralement admises au sein des<br />
sociétés dans lesquelles ils évoluent. Cette socialisation différentielle est de mise. Les contre valeurs<br />
reconnues à certains groupes sociaux s’étendent au-delà de leur cercle propre.<br />
La culture n’est pas un substrat statique. C’est un construit social et un processus évolutif. Les valeurs<br />
identitaires sont réinterprétées d’un groupe à l’autre, d’une génération à l’autre. Les évolutions sont le fait<br />
39 CORMIER S., 1995, La communication et la gestion, Presses de l’Université du Québec, 255 p.<br />
<strong>ÉVALUATION</strong> <strong>DE</strong> <strong>LA</strong> <strong>CORRUPTION</strong> <strong>AU</strong> <strong>SÉNÉGAL</strong> 77