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Il a éteint sa lampe, plongeant la tente dans le noir. Je ne sentais plus que la chaleur que dégageait son
corps vibrant à côté du mien, la preuve que je n’étais pas toute seule.
– Tu crois que ça va changer l’année prochaine ?
– Que si on vote pour Jessica, elle arrêtera de t’appeler Sœur Funèbre, et que Chris Summers
arrêtera de faire chier ? Niet.
Je n’ai pas réagi et on est restés silencieux, écoutant les grenouilles qui coassaient autour de l’étang
un peu plus loin.
– Sauf si c’est nous qui décidons de prendre les choses en main, a poursuivi Nick, très calme.
J’étais dans le couloir, juste devant la porte du BDE, quand j’ai eu le vertige et j’ai dû appuyer mon
front contre la brique fraîche du mur. Non, impossible, je ne pouvais pas entrer. C’était trop. Hors de
question. Il y avait mort d’homme, et pour une fois j’ai compris ce qu’on voulait signifier quand on disait
qu’on avait atteint « le point de non-retour ».
Quelqu’un dans le bureau a dû m’apercevoir. La porte s’est ouverte.
– Salut. Merci d’être venue.
C’était Jessica Campbell, qui m’a fait signe de les rejoindre. Je suis entrée, avançant en pilote
automatique.
Tous les regards se sont tournés vers moi. Non pas que leurs visages m’étaient hostiles. Disons
qu’aucun n’était vraiment accueillant. Même pas celui de Jessica. Elle, elle avait plutôt un petit air pro et
affairé, comme si elle était chargée d’escorter un prisonnier jusqu’à la chambre d’exécution.
Meghan Norris me dévisageait, avec une vague moue, remuant les genoux sous le bureau en signe
d’impatience. Dès que j’ai croisé son regard, elle a roulé des yeux avant de se détourner vers la fenêtre.
– Bon, a annoncé Jessica en s’asseyant.
Je me suis installée à côté d’elle en serrant mes bouquins contre moi. J’avais peur de m’évanouir.
J’ai pris une longue respiration, dix secondes en comptant, avant d’expirer le plus discrètement possible.
– Bon, a repris Jessica en farfouillant parmi ses papiers. J’ai été voir M. Angerson, et cette fois-ci on
est sûrs d’avoir un espace du côté nord-ouest de la cour, près de la porte qui donne sur le Foyer. On peut
déposer tout ce qu’on veut à partir du moment où on a l’accord de l’Association des parents d’élèves, ce
qui ne devrait pas poser trop de problèmes.
– Permission permanente ? a demandé Micky Randolf.
– Ouais. On aura une cérémonie d’inauguration le jour de la fête de fin d’année, mais on peut laisser
sur place un monument permanent.
– Genre, une statue ? a interrogé Josh.
– Ouais, ou un arbre, a proposé Meghan avec enthousiasme – oubliant que je lui avais infligé ma
présence à côté d’elle.
– Une statue, ça risque d’être cher, a fait remarquer Mme Stone. Vous pensez qu’on a assez d’argent
pour aller jusque-là ?
– L’Association des parents d’élèves s’est engagée à collecter de nouveaux fonds, a répondu Jessica
en agitant ses papiers. En plus on a notre caisse. Sans compter les ventes de… beignets.
Un silence gêné a suivi. Plus personne ne vendait de beignets depuis le drame. Abby Dempsey, la
meilleure amie de Jessica, avait été tuée alors qu’elle était en train d’en vendre.
– Abby aurait sûrement été d’accord, a dit Jessica en se raclant la gorge.
J’ai senti plusieurs regards se diriger vers moi, sans chercher à savoir lesquels. J’ai remué sur ma
chaise, inspiré lentement, retenant mon souffle avant de relâcher…
– On pourrait trouver une nouvelle façon d’obtenir de l’argent, a proposé Rachel Manne. Pourquoi
pas vendre des sucettes en les présentant en boîte avec des petits mots ?
– Super idée, a approuvé Jessica en griffonnant quelques notes sur un bout de papier. Ou organiser
une soirée spéciale glaces.