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Elle ne m’avait pas répondu non.<br />

Peu après, j’ai entendu quelqu’un frapper timidement à la porte. Je n’ai pas répondu. Ne serait-<strong>ce</strong><br />

qu’ouvrir la bouche me semblait un effort insurmontable.<br />

C’était sûrement l’inspecteur Panzella, et j’avais décidé que, quoi qu’il arrive, <strong>ce</strong> jour-là je ne lui<br />

dirais rien. Il <strong>au</strong>rait be<strong>au</strong> me supplier. Me mena<strong>ce</strong>r de perpète. J’en avais assez de revivre <strong>ce</strong>tte journée ;<br />

j’avais envie qu’on me fiche la paix.<br />

On a de nouve<strong>au</strong> frappé, puis la porte s’est ouverte, délicatement. J’ai vu pointer un bout de nez.<br />

Sta<strong>ce</strong>y !<br />

Vous ne pouvez pas savoir à quel point j’ai été soulagée en voyant son visage. Son visage. Non<br />

seulement vivant, mais sans la moindre cicatri<strong>ce</strong>. Ni tra<strong>ce</strong> de balle. Ni brûlures. Rien. J’ai failli éclater<br />

en sanglots.<br />

Évidemment, les cicatri<strong>ce</strong>s intérieures ne se voient jamais sur un visage, n’est-<strong>ce</strong> pas ?<br />

– Salut. Je peux entrer ?<br />

À peine a-t-elle ouvert la bouche que j’ai reconnu dans sa voix <strong>ce</strong>lle avec qui j’avais piqué des fous<br />

rires, genre, un million de fois depuis le temps qu’on se connaissait. Pourtant je n’avais rien à lui dire.<br />

Je sais que ça peut paraître idiot, mais je crois que j’étais gênée. Comme quand on est petit et que<br />

votre père ou votre mère vous gronde devant vos copains, et vous êtes pr<strong>of</strong>ondément humilié par<strong>ce</strong> qu’ils<br />

viennent d’assister à une scène privée, qui anéantit le personnage que vous essayez d’afficher, genre « je<br />

contrôle la situation ». Voilà <strong>ce</strong> que je ressentais, mais à la puissan<strong>ce</strong> mille…<br />

J’avais une tonne de choses à lui avouer. Je voulais lui demander des nouvelles de Mason et de Du<strong>ce</strong>.<br />

Je voulais lui demander comment ça se passait <strong>au</strong> lycée. Si Christy Bruter avait survécu ou non, et Ginny<br />

Baker. Je voulais lui demander si elle savait que Nick avait prévu le massacre. Je voulais qu’elle<br />

m’avoue qu’elle <strong>au</strong>ssi, elle n’y avait vu que du feu. Je voulais qu’elle me confirme que je n’étais pas la<br />

seule à être coupable de ne pas avoir cherché à arrêter l’engrenage. À avoir été <strong>au</strong>ssi bête et <strong>au</strong>ssi<br />

aveugle.<br />

S<strong>au</strong>f que c’était trop bizarre. Une fois qu’elle est entrée en se justifiant – « Tu n’as pas répondu quand<br />

j’ai frappé, du coup j’ai pensé que tu devais plus ou moins dormir » – tout a basculé, et tout me semblait<br />

complètement surréel. Pas seulement la tuerie. Pas seulement les images de la télé où l’on voyait des<br />

torrents d’élèves en sang se précipiter sur les portes de la cafétéria comme une longue veine coupée. Pas<br />

seulement le fait que Nick avait disparu et que l’inspecteur Panzella venait entonner les répliques de New<br />

York Poli<strong>ce</strong> Judiciaire à mon chevet chaque jour. Mais tout. Tout. Chaque instant depuis le CP, le jour où<br />

Sta<strong>ce</strong>y m’avait montré une dent de devant qui bougeait et pointait comme une dragée de chewing-gum<br />

quand elle la poussait avec la langue, ou le jour où je m’étais écorché le ventre contre une des cages à<br />

poules du terrain de jeu. Tout me semblait un rêve. Et ça, <strong>ce</strong>t enfer, c’était ma réalité.<br />

– Salut, ai-je répondu dou<strong>ce</strong>ment.<br />

Elle était debout <strong>au</strong> pied de mon lit, pas très à l’aise, comme Frankie le jour où je m’étais réveillée.<br />

– T’as mal ?<br />

J’ai h<strong>au</strong>ssé les ép<strong>au</strong>les. Elle avait dû me poser <strong>ce</strong>tte question un milliard de fois, chaque fois que je<br />

m’étais égratignée dans <strong>ce</strong>t <strong>au</strong>tre monde, <strong>ce</strong> monde de rêve. Celui où nous étions normales. Celui où les<br />

petites filles se fichent qu’on voie leur ventre quand elles jouent sur les aires de jeux et que leurs dents<br />

soient en avant comme des chewing-gums Chiclets.<br />

– Un peu, mais ça va.<br />

– Il paraît que tu as… un vrai trou. Remarque, c’est Frankie qui m’a dit ça, alors qui sait s’il f<strong>au</strong>t le<br />

croire.<br />

– Ça va. J’ai surtout l’impression d’avoir la jambe ankylosée. Les antidouleur, j’imagine.<br />

Elle s’est mise à gratter avec l’ongle une étiquette collée sur le montant du lit. Je connaissais assez<br />

Sta<strong>ce</strong>y pour savoir que c’était le signe qu’elle était mal – soit frustrée, soit furieuse. Ou les deux.

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