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24<br />

Le samedi suivant j’ai supplié Maman de me déposer <strong>au</strong> cours de Béa après ma séan<strong>ce</strong> chez le<br />

docteur Hieler.<br />

– Des cours de peinture ? Je n’ai jamais entendu parler de <strong>ce</strong>tte femme. Je ne savais même pas qu’il y<br />

avait un atelier dans <strong>ce</strong> <strong>ce</strong>ntre commercial. Tu es sûre que tu ne crains rien ?<br />

J’ai levé les yeux <strong>au</strong> ciel. Maman était d’une humeur impossible depuis des jours. Plus j’essayais de<br />

m’en sortir, moins elle me faisait confian<strong>ce</strong>.<br />

– Bien sûr que je ne crains rien. Cette femme est une artiste, c’est tout. Tu ne pourrais pas me laisser<br />

libre pour une fois ? Tu pourrais en pr<strong>of</strong>iter pour faire des courses <strong>au</strong> Shop N’Shop.<br />

– J’hésite…<br />

– S’il te plaît. Écoute, tu n’arrêtes pas de dire que tu voudrais que j’aie des activités normales. Il n’y<br />

a pas plus normal que des cours de peinture.<br />

– D’accord, mais je t’accompagne. Je veux voir à quoi ressemble <strong>ce</strong>tte femme. La dernière fois que<br />

je t’ai lâché la bride, tu t’es entichée de <strong>ce</strong> Nick Levil. Tu as vu où ça nous a menés.<br />

– Tu me le rappelles tous les jours, je te remercie.<br />

J’ai enfoncé le pou<strong>ce</strong> dans ma cicatri<strong>ce</strong> pour ne pas hurler. Vu son humeur depuis quelque temps, elle<br />

était capable de refuser de m’accompagner.<br />

Peu après, nous sommes entrées dans l’atelier, mais j’ai vu qu’elle hésitait sur le seuil, sans doute<br />

surprise par l’atmosphère un peu renfermée.<br />

– Qu’est-<strong>ce</strong> que c’est que <strong>ce</strong>t endroit ?<br />

– Chut…<br />

J’ai remonté l’allée vers le fond, quand j’ai entendu une petite musique – des clochettes qui tintaient<br />

en rythme – et des voix qui murmuraient. J’ai aperçu des silhouettes de dos perchées sur des tabourets<br />

devant des toiles. Sur le côté, une femme un peu âgée travaillait du papier qu’elle froissait et pliait pour<br />

fabriquer différentes formes, d’anim<strong>au</strong>x et <strong>au</strong>tres, et un petit garçon jouait avec deux voitures Matchbox<br />

sous une table. Béa était penchée <strong>au</strong>-dessus d’un miroir sur lequel elle était en train d’appliquer des<br />

coquillages pour former un collage assez élaboré. Soudain, je me suis arrêtée. Impossible, je m’étais<br />

trompée, je n’<strong>au</strong>rais jamais dû être là. C’est par<strong>ce</strong> qu’elle voulait être sympa. Elle n’avait <strong>au</strong>cune envie<br />

que tu assistes à son cours, je me disais. Tu ferais mieux de rentrer.<br />

Je n’ai pas eu le temps de me retourner. Elle venait de me reconnaître et me regardait en souriant, les<br />

cheveux relevés en un drôle de chignon négligé et pailleté, plein de bouts de rubans et de babioles.<br />

– Valérie ! Valérie la m<strong>au</strong>ve ! (Elle a appl<strong>au</strong>di avec enthousiasme.) Tu es revenue ! Justement, je<br />

t’attendais.<br />

– Je me disais que je pourrais… euh… prendre deux ou trois cours. De peinture.<br />

Tout à coup son sourire s’est transformé en un immense rictus et elle a pris ma mère entre ses bras.

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