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– Oui, une vente de glaces, excellente idée ! Je peux demander à M. Hudspeth de monter un spectacle
avec les élèves de théâtre, a ajouté Mme Stone.
– Génial ! a hurlé quelqu’un. Et la chorale pourrait chanter quelque chose.
Chacun y allait de son idée. Ça fusait de tous les côtés. Par miracle, plus personne ne faisait attention
à moi ; la petite troupe m’avait miraculeusement oubliée.
– C’est décidé, a conclu Jessica en rassemblant ses notes. On organise une soirée spectacle spéciale
glaces. Il ne reste plus qu’à décider ce que sera le mémorial. Vous avez des idées ?
Plus personne ne disait mot.
– Une capsule témoin, ai-je proposé.
Jessica m’a jeté un regard intrigué.
– C’est-à-dire ?
– Une capsule témoin. Une plaque ou autre, pour marquer l’endroit, et s’arranger pour qu’elle soit
accessible dans, genre, une cinquantaine d’années. Comme ça, les gens comprendraient qu’on ne peut pas
réduire notre promotion à… euh… à ça.
Un long silence a suivi, s’étirant sans fin pendant que chacun réfléchissait.
– On pourrait installer un banc à côté, ai-je ajouté. Avec le nom de… de…
– Des victimes, a complété Josh, la voix un peu tendue. C’est ça, non ? Le nom de chaque victime
gravé sur le banc. Ou sur la plaque.
– De toutes les victimes, ou juste celles qui sont mortes ? a demandé Meghan.
L’atmosphère me semblait de plus en plus lourde. Je n’osais plus lever les yeux.
– De toutes les victimes, a repris Josh. Par exemple, il faudrait qu’il y ait le nom de Ginny Baker,
vous ne pensez pas ?
– Dans ce cas-là, ce n’est pas exactement ce qu’on appelle un mémorial, est intervenue Mme Stone.
– Mais elle a eu la figure…
– … pas forcément un mémorial, pourquoi pas un monument…
– … devrait comporter les noms de toute la promotion…
– Ça serait sympa…
– Parce que tout le monde a été affecté d’une manière ou d’une autre…
– … mémorial qui pourrait être consacré à la perte de la vie mais aussi à la perte d’autres trucs,
genre…
– … pas seulement les terminales, cela dit. Il y a aussi des élèves de seconde qui sont morts…
– On n’a qu’à mettre le nom de chaque personne disparue, a conclu Jessica.
– Pas toutes, a précisé Josh. Pas Nick Levil. Hors de question.
– Techniquement parlant, c’est aussi une victime, a corrigé Mme Stone, d’une voix à peine audible.
Si vous voulez graver le nom de chaque victime à proprement parler, il faut l’inclure.
– Je ne suis pas d’accord, a répondu Josh, cramoisi.
– Moi non plus, ai-je renchéri, plus vite que je ne l’aurais voulu. Ça ne serait pas juste par rapport
aux autres.
J’ai failli m’étouffer. Comment j’avais pu sortir une horreur pareille ? Nick était le centre de ma vie.
Jamais je ne l’avais pris pour un monstre. En plus, je ne me sentais pas complètement innocente, moi non
plus. Or je venais de l’enterrer à nouveau… et pour quoi ? Pour faire plaisir au Bureau des élèves ? Pour
séduire ces gamins qui se bidonnaient en voyant Chris Summers l’humilier en public, il y a quelques mois
encore, ou quand Christy Bruter m’appelait Sœur Funèbre ? Pour faire mon intéressante face à Jessica
Campbell ? Au fond, est-ce que je croyais à ce que je venais de dire ? Ou est-ce qu’une partie de moi que
je n’avais jamais identifiée venait d’exprimer tout haut son angoisse : que Nick et moi, on n’était pas des
victimes… on était des boucs émissaires.
Le virement a été si brutal que je l’ai senti presque physiquement. Je me voyais divisée en deux