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30<br />
– Vous savez que mon père est parti, j’imagine ?<br />
J’étais chez le docteur Hieler et je regardais ses étagères de <strong>livre</strong>s pendant qu’il s’installait dans son<br />
f<strong>au</strong>teuil en prenant sa pose habituelle : une jambe <strong>au</strong>-dessus de l’accoudoir, promenant le majeur de sa<br />
main droite sur sa lèvre inférieure en signe de réflexion.<br />
– Ta maman me l’a dit, oui. Qu’est-<strong>ce</strong> que tu en penses ?<br />
J’ai h<strong>au</strong>ssé les ép<strong>au</strong>les en observant les bibelots posés <strong>au</strong> sommet de l’étagère : un petit éléphant en<br />
por<strong>ce</strong>laine, une figurine qui représentait un médecin avec un enfant, de la série Disney « Moments<br />
précieux », un mor<strong>ce</strong><strong>au</strong> de quartz poli. Sans doute des cade<strong>au</strong>x de ses patients.<br />
– Je le savais. Je n’ai pas été trop surprise.<br />
– Même les choses <strong>au</strong>xquelles on s’attend peuvent être douloureuses.<br />
– C’est vrai. Mais je crois que j’avais fait une croix sur Papa depuis longtemps. Ça a été dur mais<br />
maintenant… comment dire… c’est presque un soulagement.<br />
– Je comprends.<br />
– Au fait, je vous remercie de rassurer Maman pour <strong>ce</strong>tte histoire d’anorexie.<br />
J’ai abandonné les figurines et je me suis écroulée <strong>au</strong> fond du canapé.<br />
– Il f<strong>au</strong>t que tu te nourrisses, a repris le docteur Hieler. Tu en as conscien<strong>ce</strong>, non ?<br />
– Oui, je sais. Mais je mange, je vous promets. Je crois que j’ai pris un kilo. Ça va. Je ne cherche pas<br />
à maigrir.<br />
– Je te crois. Mais ta mère est inquiète. N’oublie pas, il f<strong>au</strong>t les rassurer, les bons vieux parents.<br />
Alors de temps en temps essaie de manger pendant qu’elle est là. D’accord ?<br />
– D’accord. Vous avez raison.<br />
– Super, j’ai gagné !<br />
– Ah, j’ai failli oublier ! Je vous avais apporté quelque chose !<br />
Il a levé un sourcil curieux en se penchant pour prendre la petite peinture que j’ai sortie de mon sac.<br />
– Il ne fallait pas.<br />
Il a examiné la toile avec attention. C’était un portrait que j’avais réalisé dans l’atelier de Béa la<br />
semaine précédente.<br />
– Incroyable ! Incroyable, vraiment ! Jamais je n’<strong>au</strong>rais pensé que tu étais capable de peindre un truc<br />
pareil.<br />
J’ai fait le tour de son bure<strong>au</strong> pour regarder ma peinture par-dessus son ép<strong>au</strong>le. Elle s’intitulait<br />
Portrait d’un guérisseur 1 . C’était le portrait, non pas du type <strong>au</strong>x cheveux châtain foncé et <strong>au</strong> regard<br />
compréhensif que je voyais tous les samedis dans son cabinet, mais <strong>ce</strong>lui de la personne que je voyais,<br />
moi : un bain de sérénité, un rayon de soleil, un éclair <strong>au</strong> bout du long tunnel noir dans lequel j’étais<br />
enfermée.