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6<br />
J’ai ouvert les yeux et j’ai eu la surprise de voir que je n’étais pas endormie <strong>au</strong> fond de mon lit,<br />
obligée de me réveiller pour aller <strong>au</strong> lycée. En général c’est comme ça que ça se passait : Nick<br />
m’appelait et j’étais obligée d’aller <strong>au</strong> lycée alors que c’était un c<strong>au</strong>chemar et que je redoutais qu’il aille<br />
<strong>au</strong> lac Bleu avec Jeremy pour fricoter je ne sais quoi. L’idée qu’il me quitte me rendait malade, de même<br />
que l’idée que j’allais me faire har<strong>ce</strong>ler par Christy Bruter dans le car. Ou alors je me réveillais, et les<br />
fragments de souvenirs que j’avais de Nick en train de massacrer tout le monde me revenaient, et je priais<br />
pour que <strong>ce</strong> soit un rêve qui s’évapore avant que j’aie le temps de recoller les mor<strong>ce</strong><strong>au</strong>x.<br />
Ce jour-là, pas du tout, je me suis réveillée, mais j’étais à l’hôpital. Il y avait plusieurs policiers dans<br />
ma chambre et la télé était allumée. Tous me tournaient le dos et avaient les yeux levés vers l’écran. Des<br />
images qui me disaient quelque chose défilaient en boucle : un parking, un bâtiment de briques, un terrain<br />
de foot… J’ai fermé les yeux. Je me sentais groggy. J’avais les yeux secs et des élan<strong>ce</strong>ments dans la<br />
jambe, et peu à peu ça me revenait en mémoire, pas exactement <strong>ce</strong> qui s’était passé, mais le fait qu’il<br />
s’était passé quelque chose de grave, très grave.<br />
– Elle se réveille, ai-je entendu dire.<br />
J’ai reconnu la voix, c’était <strong>ce</strong>lle de Frankie, pourtant je ne l’avais pas vu quand j’avais ouvert les<br />
yeux.<br />
– Je vais appeler une infirmière, a ajouté une <strong>au</strong>tre voix, <strong>ce</strong>lle de mon père.<br />
Celle-là, je n’ai pas eu de mal à la reconnaître. C’était une voix tendue, angoissée, brusque. Comme<br />
Papa, qui tout à coup est apparu en arrière-plan, flottant <strong>au</strong> loin. Il était en train de taper un truc sur son<br />
ordinateur de poche avec son portable coincé entre son oreille et son ép<strong>au</strong>le. Puis il a disparu, et il ne<br />
restait plus que Frankie.<br />
– Val ? Val, t’es réveillée ?<br />
Son image s’est brouillée pour se métamorphoser en un matin dans ma chambre à la maison. Il<br />
essayait de me réveiller pour qu’on aille jouer comme <strong>au</strong> bon vieux temps, quand Papa et Maman<br />
s’entendaient bien et qu’on était deux gamins sans histoires. On irait à la recherche d’œufs de Pâques, par<br />
exemple, ou d’un cade<strong>au</strong> de Noël, ou de pancakes-surprises. C’était le bonheur. Vraiment. Alors je ne<br />
sais pas pourquoi, mes yeux se sont peu à peu rouverts. Malgré moi.<br />
Frankie était là, debout <strong>au</strong> pied de mon lit. S<strong>au</strong>f que <strong>ce</strong> n’était pas mon lit, mais un <strong>au</strong>tre, bizarre, avec<br />
des draps blancs un peu rêches qui grattaient, et une couverture marronnasse qui me rappelait le porridge<br />
<strong>au</strong>x flocons d’avoine. Il avait les cheveux raplapla et j’ai mis quelques secondes à faire le lien par<strong>ce</strong> que,<br />
honnêtement, j’avais du mal à me souvenir de la dernière fois où j’avais vu mon petit frère avec les<br />
cheveux raplapla. Il a fallu que je fasse le lien entre le visage de Frankie-quatorze-ans et les cheveux de<br />
Frankie-onze-ans.<br />
– Frankie ?<br />
Mon attention a été attirée par un reniflement sur ma droite. C’était Maman, là, fa<strong>ce</strong> à moi, assise<br />
dans une chaise rembourrée rose. Les jambes croisées et appuyée sur un coude. Elle avait un mouchoir en<br />
papier avec lequel elle se tapotait le bout du nez.<br />
J’étais étonnée qu’elle ne pleure pas, par<strong>ce</strong> que quel que soit le drame qui avait eu lieu, je savais que<br />
j’y étais impliquée – même si je n’avais pas encore rassemblé tous les mor<strong>ce</strong><strong>au</strong>x pour comprendre<br />
pourquoi je me retrouvais dans un lit qui ressemblait à un lit d’hôpital et non pas dans le mien en<br />
attendant le coup de fil de Nick.<br />
– Maman… ai-je murmuré en posant la main sur son poignet – mais j’avais mal à la gorge. Maman…<br />
Elle a reculé dans sa chaise. Pas brutalement, non. Disons qu’elle s’est légèrement penchée en arrière