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– Hmm… Si je comprends bien, tu es la seule à encore être là, non ?<br />

– Jessica veut absolument qu’on soit amies, mais je ne peux plus.<br />

– Par<strong>ce</strong> que quelque chose a changé.<br />

Je l’ai fusillé du regard. Il était calé <strong>au</strong> fond de son f<strong>au</strong>teuil, les bras croisés, et promenait son majeur<br />

sur sa lèvre inférieure : <strong>au</strong>trement dit, il cherchait à me soutirer des infos.<br />

– Rien à voir avec la raison pour laquelle j’ai envoyé péter Jessica.<br />

– Dans <strong>ce</strong> cas-là, c’était une simple coïnciden<strong>ce</strong>.<br />

Je n’ai pas répondu. J’ai secoué la tête et j’ai craqué, j’ai éclaté en sanglots.<br />

– Je voudrais que ça s’arrête, ai-je murmuré. Je voudrais que ça finisse, tout, toute <strong>ce</strong>tte histoire.<br />

Personne ne me croira jamais. Tout le monde s’en fiche.<br />

– Non, pas moi.<br />

Je n’avais pas de mal à le croire. S’il y avait une personne sur terre que ça intéresserait de savoir <strong>ce</strong><br />

qui s’était passé le soir de la fête, c’était le docteur Hieler. Autant ne rien dire et tout garder pour moi me<br />

semblait réconfortant une semaine plus tôt, <strong>au</strong>tant <strong>ce</strong> jour-là, tout m’a paru trop lourd, presque<br />

physiquement. Quand soudain c’est sorti, je lui ai tout raconté.<br />

Il m’écoutait, le regard de plus en plus animé et le corps de plus en plus tendu. À un moment on a<br />

appelé la poli<strong>ce</strong> pour leur faire part de la mena<strong>ce</strong> de Troy, et les flics nous ont promis qu’ils suivraient<br />

l’affaire. Cela dit, ils ne pouvaient pas vraiment intervenir. Surtout que je n’étais pas sûre que c’était un<br />

vrai revolver. Heureusement, ils ne m’ont pas ri <strong>au</strong> nez. Ni rétorqué que j’avais <strong>ce</strong> que je méritais. Ni<br />

traitée de menteuse.<br />

Une fois la séan<strong>ce</strong> finie, le docteur Hieler m’a raccompagnée dans la salle d’attente où Maman lisait<br />

un magazine.<br />

– Il f<strong>au</strong>t que tu racontes à ta mère <strong>ce</strong> qui s’est passé, a-t-il ajouté. (Maman a levé les yeux d’un air<br />

surpris.) Et <strong>ce</strong>tte fois-ci tu vas bosser par<strong>ce</strong> qu’il f<strong>au</strong>t que tu t’en sortes. Tu ne peux pas t’arrêter<br />

maintenant. Je te l’interdis. Tu as travaillé dur pour arriver jusqu’ici. Et tu as encore un sacré boulot<br />

devant toi.<br />

S<strong>au</strong>f que j’étais loin de me sentir prête à remonter les manches, et sitôt arrivée à la maison je me suis<br />

précipitée dans ma chambre et je me suis écroulée sur mon lit.<br />

J’avais déjà tout raconté à Maman dans la voiture, y compris la mena<strong>ce</strong> de Papa <strong>au</strong> bord de<br />

l’<strong>au</strong>toroute. Elle m’avait écoutée, impassible, ne disant pas un mot, même pas quand j’ai arrêté de parler.<br />

Mais dès qu’elle a franchi le seuil de la maison, elle a appelé Papa. J’étais dans ma chambre mais je l’ai<br />

entendue qui s’emballait <strong>au</strong> téléphone. Elle lui reprochait de ne pas lui avoir dit quoi que <strong>ce</strong> soit alors<br />

qu’il savait. D’être passé me prendre sans la prévenir. De ne pas être à la maison alors que c’est là<br />

qu’était sa pla<strong>ce</strong>.<br />

Quelques instants plus tard, j’ai entendu la porte d’entrée s’ouvrir, suivie par des murmures de<br />

Maman. Je suis allée jeter un coup d’œil. Papa était debout sur le seuil, les poings sur les hanches. Il<br />

avait l’air exaspéré.<br />

Il n’était pas en costume, <strong>ce</strong> qui était bizarre puisque c’était en pleine semaine, et il ne quittait jamais<br />

son bure<strong>au</strong> avant la tombée de la nuit. Puis j’ai vu qu’il avait de la peinture sur sa chemise et j’ai compris<br />

qu’il avait dû passer la journée à repeindre l’appartement de Briley. Pour le transformer en leur petit nid<br />

d’amour. J’ai refermé la porte et je suis allée regarder par la fenêtre. Briley l’attendait dans la voiture<br />

garée devant le trottoir.<br />

Maman a recommencé à gémir sur un ton angoissé, quand soudain Papa a hurlé « Que voulais-tu que<br />

je fasse ? », suivi par une p<strong>au</strong>se et de nouve<strong>au</strong> « T’as qu’à la renvoyer dans <strong>ce</strong> putain de servi<strong>ce</strong><br />

psychiatrique, c’est tout. J’en ai rien à battre de <strong>ce</strong> que raconte <strong>ce</strong> psy sur ses prétendus progrès ! ». La<br />

porte de l’entrée a claqué. Je suis retournée à la fenêtre et je l’ai vu monter dans la voiture à côté de<br />

Briley avant de s’éloigner.

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