26.06.2013 Views

Télécharger ce livre au format PDF - Index of

Télécharger ce livre au format PDF - Index of

Télécharger ce livre au format PDF - Index of

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

pour que je ne puisse pas l’atteindre. Comme si elle voulait se séparer physiquement de moi. Ce n’était<br />

pas de la méfian<strong>ce</strong>, c’était comme si elle ne voulait plus être identifiée à moi.<br />

– Tu es réveillée, a-t-elle dit simplement. Comment te sens-tu ?<br />

J’ai jeté un œil sur mon corps, allongé, là, en me demandant où était le problème. J’ai bien regardé,<br />

or tout avait l’air d’être en pla<strong>ce</strong>, y compris plusieurs fils qui n’avaient rien à voir avec mon corps. Je me<br />

demandais <strong>ce</strong> que je fichais là, mais d’instinct je savais qu’il s’agissait d’une sorte d’épreuve que j’allais<br />

devoir traverser. Je m’étais plus ou moins blessé la jambe, ça, j’en étais <strong>ce</strong>rtaine, par<strong>ce</strong> que j’avais assez<br />

d’élan<strong>ce</strong>ments pour me le rappeler. Ma jambe, elle, était bien là, donc de <strong>ce</strong> côté-là, je n’avais pas de<br />

souci à me faire.<br />

– Maman… ai-je répété.<br />

J’<strong>au</strong>rais voulu trouver <strong>au</strong>tre chose à lui dire, <strong>au</strong>tre chose de plus important. Mais j’avais la gorge<br />

enflée, qui me faisait mal. J’ai essayé de la racler mais elle était complètement desséchée et tout <strong>ce</strong> que<br />

j’ai réussi à produire, c’est une espè<strong>ce</strong> de petit couinement qui n’a pas amélioré les choses, et qui<br />

donnait :<br />

– Qu’est-<strong>ce</strong> qui se passe ?<br />

Une infirmière en blouse rose s’agitait <strong>au</strong>tour de Maman. Elle est allée chercher une tasse en<br />

plastique avec une paille posée sur une table. Elle l’a donnée à Maman qui l’a prise en l’admirant comme<br />

si elle n’avait jamais vu une telle merveille, avant de se tourner vers un des policiers qui avait abandonné<br />

la télé pour m’observer, les deux mains agrippées sur son <strong>ce</strong>inturon.<br />

– On t’a tiré dessus, m’a-t-il annoncé <strong>au</strong>-dessus de l’ép<strong>au</strong>le de Maman. Nick Levil a tiré sur toi.<br />

J’ai froncé le visage. Nick Levil avait tiré sur moi.<br />

– Mais c’est le nom de mon copain…<br />

Plus tard j’ai compris à quel point ma réaction était idiote, et j’en étais même un peu gênée. Mais à<br />

l’époque ça se comprenait par<strong>ce</strong> que je n’avais pas vraiment atterri et j’étais en train de me réveiller<br />

d’une longue anesthésie. En plus, mon <strong>ce</strong>rve<strong>au</strong> rechignait à se rappeler tout, comme ça, d’un coup. Un<br />

jour j’ai vu un documentaire sur les différentes façons dont le <strong>ce</strong>rve<strong>au</strong> cherche à se protéger. Comme les<br />

enfants qui ont été violentés et qui finissent par avoir plusieurs personnalités. Je crois que c’est ça que<br />

mon <strong>ce</strong>rve<strong>au</strong> faisait, il cherchait à me protéger, s<strong>au</strong>f que ça n’a pas duré très longtemps.<br />

J’ai reconnu le visage de chacun : Maman, le policier, l’infirmière, Frankie, même Papa (je ne<br />

l’avais pas vu réapparaître dans la chambre, mais il était bien là, les bras croisés), or <strong>au</strong>cun ne me<br />

regardait dans les yeux. C’était m<strong>au</strong>vais signe.<br />

– Qu’est-<strong>ce</strong> qu’il y a ? Frankie ?<br />

Il n’a pas moufté. Il était là, la mâchoire crispée, faisant la moue. Et rouge comme une pivoine, de<br />

plus en plus rouge.<br />

– Valérie, tu te rappelles un peu <strong>ce</strong> qui s’est passé <strong>au</strong> lycée <strong>au</strong>jourd’hui ? m’a demandé très<br />

calmement Maman.<br />

Elle n’était pas vraiment dou<strong>ce</strong>, ni tendre, ni maternelle. On <strong>au</strong>rait dit qu’elle s’adressait à mes draps,<br />

avec une voix tout juste <strong>au</strong>dible, très plate, que j’ai à peine reconnue.<br />

– Au lycée ?<br />

Alors, tout m’est revenu, comme un immense flot. C’était bizarre, par<strong>ce</strong> que, <strong>au</strong> début, ça ressemblait<br />

à un rêve et je me disais, Ça m’étonnerait qu’ils parlent de ça, par<strong>ce</strong> que c’était juste un c<strong>au</strong>chemar<br />

sans importan<strong>ce</strong>. Deux secondes après, j’ai compris que ça n’avait rien d’un rêve et j’ai eu la sensation<br />

presque physique d’être broyée par les images qui m’assaillaient.<br />

– Valérie, il y a eu un drame <strong>au</strong> lycée <strong>au</strong>jourd’hui, tu t’en souviens ?<br />

Je n’ai pas pu lui répondre. Ni à elle ni à personne. J’avais les yeux rivés sur l’écran de la télé, sur la<br />

vue aérienne du lycée et sur les ambulan<strong>ce</strong>s et les voitures de flics qui tournaient <strong>au</strong>tour. Les yeux rivés à<br />

tel point que je ne voyais plus que les petits carrés de couleur sur l’écran. La voix de Maman me

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!