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arrivé un truc atro<strong>ce</strong>…<br />
– Bon, j’espère qu’elle va mieux.<br />
Il a pris une chaise pour s’asseoir avant d’ajouter :<br />
– Tu es jeune. Tu as <strong>au</strong> moins ça pour toi. Moi, je me suis fait tirer dans le pied il y a deux ans par un<br />
type accro <strong>au</strong> crack. J’ai cru que ça ne cicatriserait jamais. Mais je suis dix fois plus âgé que toi.<br />
Il mâchait son chewing-gum d’un air très sérieux, en me dévisageant avec tant d’insistan<strong>ce</strong> que j’ai<br />
fini par a-nnon<strong>ce</strong>r :<br />
– Ma mère doit arriver d’une minute à l’<strong>au</strong>tre.<br />
– Elle est dans le couloir. Je viens de lui parler. Elle doit revenir après le déjeuner. Elle est en train<br />
de discuter avec mon collègue. Ça risque de durer. Ton père est avec elle. Il n’a pas franchement l’air<br />
content de toi, si je puis me permettre.<br />
– Bon…<br />
Je n’ai rien trouvé de mieux à dire. Bon… Bon… De toute façon avait-il jamais été content de moi ?<br />
Bon… Et puis je me demandais qui ça intéressait. Bon… En tout cas sûrement pas moi. Bon…<br />
– Je me présente : Panzella, inspecteur.<br />
– OK.<br />
– Si tu veux, je peux te montrer mon badge.<br />
Non merci, je n’en avais <strong>au</strong>cune envie.<br />
– Il f<strong>au</strong>t qu’on parle, Valérie.<br />
J’<strong>au</strong>rais dû m’en douter. C’était logique, non ? S<strong>au</strong>f que sur le moment ça n’avait rien de logique. La<br />
tuerie n’avait rien de logique, alors comment la présen<strong>ce</strong> d’un inspecteur en costume marron fa<strong>ce</strong> à moi<br />
dans une chambre d’hôpital pouvait-elle me sembler logique ?<br />
J’avais une frousse atro<strong>ce</strong>. Tellement la frousse que j’étais transie de froid et je ne savais même pas<br />
si je pourrais lui parler de quoi que <strong>ce</strong> soit.<br />
– Tu te souviens de <strong>ce</strong> qui s’est passé dans ton lycée ?<br />
– Pas vraiment, quelques fragments, oui.<br />
– Il y a eu de nombreux morts, Valérie. Ton petit copain, Nick, leur a tiré dessus. Tu s<strong>au</strong>rais me dire<br />
pourquoi ?<br />
Ça m’a fait réfléchir. J’avais passé des heures à essayer de comprendre <strong>ce</strong> qui était arrivé, mais pas<br />
une seule fois je ne m’étais demandé pourquoi <strong>ce</strong> drame. La réponse était si évidente : par<strong>ce</strong> que Nick<br />
avait horreur de <strong>ce</strong>s gens. Et ils le lui rendaient largement. Voilà pourquoi. La haine. Les coups en pleine<br />
poitrine. Les surnoms humiliants. Les ricanements. Les commentaires narquois. Les bousculades contre<br />
les casiers. Voilà pourquoi : ils le haïssaient et lui les haïssait, et d’une <strong>ce</strong>rtaine façon c’était voué à finir<br />
comme ça, tout le monde mort.<br />
À <strong>ce</strong> moment-là, une soirée de l’époque de Noël m’est revenue en mémoire. La mère de Nick lui<br />
avait prêté sa voiture en lui proposant de m’emmener quelque part. C’était l’occasion ou jamais, par<strong>ce</strong><br />
qu’on avait rarement un deux-roues ou un quatre-roues à notre disposition, du coup on était surexcités à<br />
l’idée de pouvoir aller un peu plus loin que d’habitude.<br />
Il est passé me prendre dans <strong>ce</strong>tte vieille voiture dont le table<strong>au</strong> de bord était plein de gobelets de<br />
café en polystyrène couverts de tra<strong>ce</strong>s de rouge à lèvres, avec des paquets de cigarettes vides coincés<br />
dans les fissures des sièges. Mais on s’en fichait. On était ravis de pouvoir sortir. Je me suis glissée sur<br />
le siège du milieu pour me blottir contre lui pendant qu’il conduisait, un peu hésitant, comme si c’était la<br />
première fois qu’il se retrouvait <strong>au</strong> volant.<br />
– Alors ? m’a-t-il demandé. Tu trouves ça marrant ou flippant ?<br />
– Romantique.<br />
– T’es sérieuse ? On n’est pas dans un film de filles.<br />
– Et si c’était moi qui te posais la question ?