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La question avait été posée par une fille quelques casiers plus loin. J’ai tendu l’oreille en jetant un œil de son côté. – Comment ça ? a répondu son amie. – Tu n’en as pas entendu parler ? Il paraît qu’il y a une fille de terminale qui a essayé de se suicider il y a deux jours. Elle aurait avalé des médocs. Ou peut-être qu’elle s’est coupé les veines, je ne me souviens plus. Elle s’appelait Ginny, je crois. – Ginny Baker ? je n’ai pas pu m’empêcher de demander tout haut. Les deux filles m’ont jeté un regard embarrassé. – Quoi ? a lâché l’une d’elles. – La fille qui a essayé de se suicider. Tu viens de dire qu’elle s’appelait Ginny quelque chose. C’était Ginny Baker ? – Ouais, c’est elle. Tu la connais ? – Oui. J’ai fourré mes livres au fond de mon casier, j’ai claqué la porte et je me suis précipitée dans le bureau de Mme Tate. Elle a levé les yeux vers moi avec un air surpris. – Je viens d’apprendre, pour Ginny. Vous pourriez me déposer à l’hôpital, s’il vous plaît ? 1- Organisation humanitaire.
39 Je suis sortie de l’ascenseur de l’hôpital au troisième étage, dans le service psychiatrique. J’avais une boule d’angoisse au fond du ventre, persuadée qu’au premier faux pas, quelqu’un se précipiterait sur moi avec une camisole, me ramènerait illico dans ma chambre et m’obligerait à rester et à participer à leurs séances débiles de thérapie. M’obligerait à écouter cet imbécile de docteur Dentley répéter « Je vais vous dire ce que j’ai entendu, mademoiselle Leftman. Laissez-moi vous le prouver. » Je suis entrée dans la salle des infirmières. Une aide--soignante aux cheveux en brosse a levé les yeux sur moi. Curieusement, elle ne me disait rien : soit j’étais trop sonnée par les médicaments quand j’étais ici pour avoir enregistré son visage, soit elle venait d’arriver. Ce qui devait être le cas, puisqu’elle non plus ne m’a pas reconnue. – Oui ? m’a-t-elle demandé avec cet air soupçonneux et blasé qu’ont les infirmières psychiatriques, comme si j’étais venue prêter main-forte à un patient pour qu’il s’échappe. – Je viens voir Ginny Baker. – Tu es de la famille ? Elle a fouillé dans les papiers qui traînaient sur son bureau en m’ignorant. – Je suis sa demi-sœur, ai-je répondu illico, surprise de voir avec quelle facilité je mentais. Elle n’en croyait manifestement pas un mot, mais que pouvait-elle faire – m’imposer un test ADN ? – 421, par là, à gauche, m’a-t-elle répondu. Vite, j’ai filé dans le couloir en priant pour que personne ne me voie – le docteur Dentley, par exemple. J’ai respiré un bon coup et je suis entrée dans la chambre numéro 421. Ginny était allongée dans son lit, légèrement redressée, avec des perfusions aux bras et entourée de moniteurs de contrôle. Elle regardait la télé d’un air absent. Un gobelet en polystyrène avec une paille rayée pliable traînait sur la table devant elle. Sa mère était assise à côté de son lit et regardait aussi la télé où passait je ne sais quelle émission de mi--journée. Ni l’une ni l’autre ne parlait. Et ni l’une ni l’autre ne semblait avoir pris la peine de se laver les cheveux. Mme Baker fut la première à me voir. J’ai senti que son corps se tendait, et elle n’a pas pu s’empêcher d’entrouvrir la bouche. – Pardon de vous déranger, me suis-je excusée. Enfin… je crois que c’est ce que j’ai dit. J’étais tellement dans mes petits souliers que je n’en suis pas certaine. Ginny m’a regardée à son tour. De nouveau, j’ai été frappée de voir à quel point elle était défigurée. Et de nouveau, j’ai eu les larmes aux yeux. La vision de ses jolies pommettes massacrées et de ses lèvres déformées était un choc. – Qu’est-ce que tu fais ici ? – Je suis désolée de te déranger. Je voulais juste te parler.
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Pour la traduction française : ©
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V. Et Mme Tate a dû percevoir mon
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Elle a un gros travail à fournir,
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