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7<br />

C’est drôle quand j’y pense, le nom qui allait devenir le plus connu de ma promotion – Nick Levil –<br />

était un nom qui ne disait strictement rien à personne avant qu’on entre <strong>au</strong> lycée.<br />

À l’époque, Nick venait d’arriver à Garvin, mais il n’était pas intégré. Garvin était une de <strong>ce</strong>s<br />

bourgades de banlieues pleines de maisons cossues et de gosses de riches. Nick, lui, habitait dans une des<br />

rues destinées <strong>au</strong>x revenus plus modestes qui formaient une <strong>ce</strong>inture <strong>au</strong>tour de la ville, comme une ligne<br />

de démarcation. Il portait de vieux vêtements miteux, souvent trop grands, sans une on<strong>ce</strong> d’élégan<strong>ce</strong>. Il<br />

était maigre, un peu tristounet, et il avait un petit quelque chose de je-m’en-foutiste que les gens avaient<br />

tendan<strong>ce</strong> à interpréter comme un signe d’agressivité.<br />

J’ai tout de suite été attirée par lui. Il avait des yeux noirs et brillants, et un irrésistible sourire de<br />

guingois qui lui donnait l’air de s’excuser. Il était comme moi, il ne faisait pas partie de la bande top<br />

branchée du lycée, et il n’avait <strong>au</strong>cune envie d’en faire partie.<br />

À vrai dire, je n’avais pas toujours été exclue de <strong>ce</strong>tte bande. Quand on est à l’école primaire, on en<br />

fait <strong>au</strong>tomatiquement partie ou presque, et j’étais loin d’être une ex<strong>ce</strong>ption. J’aimais tout <strong>ce</strong> qu’il fallait<br />

aimer, que <strong>ce</strong> soit les vêtements, les garçons, ou les tubes qui rendaient tout le monde dingue <strong>au</strong> cours des<br />

soirées que l’école organisait pour les parents.<br />

Les choses ont commencé à changer à partir de la sixième. Peu à peu j’ai ouvert les yeux en me<br />

demandant <strong>ce</strong> que j’avais en commun avec les <strong>au</strong>tres. Leurs familles avaient l’air dix fois plus heureuses<br />

que la mienne. J’avais du mal à les imaginer saisis par <strong>ce</strong>tte impression glaçante en rentrant chez eux,<br />

comme s’ils pénétraient dans une tempête de neige dès qu’ils ouvraient la porte d’entrée. Aux réunions de<br />

parents d’élèves, j’entendais les pères qui appelaient leur fille « ma biquette » ou « mon bébé », alors<br />

que le mien ne venait pas. C’est à <strong>ce</strong>tte époque que Christy Bruter, soi-disant mon « alter ego », s’est<br />

imposée, prenant de l’as<strong>ce</strong>ndant sur les <strong>au</strong>tres, jusqu’<strong>au</strong> moment où mes doutes se sont mués en <strong>ce</strong>rtitude :<br />

je n’étais pas comme eux.<br />

Voilà pourquoi j’aimais la dégaine de Nick. J’ai fait comme lui, du reste, j’ai pris l’habitude<br />

d’afficher <strong>ce</strong>t air je-m’en-foutiste permanent, j’ai commencé à faire des trous dans mes habits pour qu’ils<br />

aient l’air bien pourris et me débarrasser de <strong>ce</strong>tte image de sainte Valérie à laquelle mes parents<br />

croyaient, qu’ils m’encourageaient d’<strong>au</strong>tant plus à cultiver depuis quelque temps. J’avoue que l’idée de<br />

savoir qu’ils <strong>au</strong>raient eu une attaque en me voyant traîner avec Nick n’était pas pour me déplaire. Ils<br />

s’étaient mis en tête que j’étais la coqueluche du lycée, <strong>ce</strong> qui montre à quel point ils étaient décalés. Le<br />

primaire était loin derrière nous.<br />

En troisième, j’étais dans le même cours d’algèbre que Nick. C’est comme ça qu’on s’est rencontrés.<br />

Il a tout de suite remarqué mes ch<strong>au</strong>ssures, dont j’avais entouré la pointe de scotch, non pas pour les<br />

rafistoler, mais pour qu’elles aient l’air prêtes à rendre l’âme. Il m’a juste dit « J’aime bien tes pompes »,<br />

et j’ai répondu « Merci. J’ai horreur de l’algèbre », et il a tout de suite ajouté « Moi <strong>au</strong>ssi ».<br />

– Hep, m’a-t-il murmuré peu après, alors que Mme Parr nous distribuait nos photocopies, t’es copine<br />

avec Sta<strong>ce</strong>y, non ?<br />

– Oui. Et toi, tu la connais ? ai-je répondu en passant le tas de feuilles <strong>au</strong> premier de la classe assis<br />

derrière moi.<br />

– Elle prend le même car que moi, je crois. Elle a l’air plutôt sympa.<br />

– Oui. On est copines depuis le jardin d’enfants.<br />

– Cool.<br />

Mme Parr nous a demandé de nous taire et on s’est plongés dans nos exerci<strong>ce</strong>s, mais tous les jours,<br />

avant et après le cours, je discutais avec lui. Je l’ai présenté à Sta<strong>ce</strong>y, Du<strong>ce</strong> et toute la petite bande, et il

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