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cruellement l’appétit. Je me suis laissé guider par le parfum jusqu’à la salle d’attente située <strong>au</strong> coin d’un<br />
long vestibule.<br />
L’assistante de Papa m’a aperçue et a cligné des yeux derrière son bure<strong>au</strong>. J’avais oublié son<br />
prénom. Je l’avais vue une fois dans ma vie, <strong>au</strong> cours d’un pique-nique sponsorisé par le cabinet<br />
principal un ou deux ans plus tôt, en plein été, et je croyais me rappeler que c’était Britni ou Brenna, en<br />
tout cas <strong>ce</strong> style de prénom, jeune et à la mode. À l’époque elle devait avoir vingt-trois vingt-quatre ans,<br />
et elle avait une superbe chevelure brillante et lisse, couleur chocolat, qui se déployait dans son dos telle<br />
une cape, avec des grands yeux de vache qu’elle clignait lentement pour révéler d’immenses pupilles<br />
<strong>ce</strong>rnées par un iris d’une couleur que je dirais… vert printemps. Dans mon souvenir elle était mignonne,<br />
timide, riant plus longtemps que les <strong>au</strong>tres chaque fois que mon père lançait une blague.<br />
– Ah ? Valérie.<br />
Elle a lâché ça sans le moindre sourire, piquant un violent fard. Elle a avalé sa salive – je vous<br />
promets, comme dans les films – et j’ai cru qu’elle allait appuyer sur un bouton rouge caché sous son<br />
bure<strong>au</strong> <strong>au</strong> cas où je brandirais un fusil ou je ne sais trop quoi.<br />
– Bonjour. Est-<strong>ce</strong> que mon père est là, s’il vous plaît ? J’<strong>au</strong>rais besoin qu’il me raccompagne en<br />
voiture.<br />
– Il est en réunion avec…<br />
Brusquement la porte du bure<strong>au</strong> de Papa s’est ouverte.<br />
– Dis-moi, ma jolie, tu pourrais me donner le dossier Santosh… ?<br />
Il avait le nez dans un dossier qu’il lisait tout en s’adressant à elle. Il a fait le tour de la chaise de<br />
Britni/Brenna, qui était tétanisée. Sa main avait tranquillement atterri sur son ép<strong>au</strong>le en la serrant avec<br />
dou<strong>ce</strong>ur, un geste que je ne l’avais pas vu <strong>of</strong>frir à Maman depuis… des lustres. Britni/Brenna a baissé la<br />
tête en fermant les yeux.<br />
– Qu’est-<strong>ce</strong> qui ne va pas, mon amour ? Tu m’as l’air un peu tendue…<br />
Enfin il a levé le regard.<br />
Sa main a quitté l’ép<strong>au</strong>le de Britni/Brenna pour se poser sur son dossier. Le geste était subtil, l’air de<br />
rien, à tel point que je me suis demandé si j’avais vu <strong>ce</strong> que j’avais vu. Le fait est que j’<strong>au</strong>rais pu croire à<br />
un mirage si je n’avais pas eu devant les yeux le visage de Britni/Brenna, littéralement cramoisie.<br />
Mortifiée.<br />
– Valérie, qu’est-<strong>ce</strong> que tu fais ici ? m’a lancé Papa.<br />
– J’<strong>au</strong>rais besoin que tu me raccompagnes en voiture.<br />
Britni/Brenna a bredouillé deux ou trois mots avant de fon<strong>ce</strong>r vers les toilettes.<br />
– Maman… euh… Maman avait une réunion.<br />
– Ah ! OK, d’accord, je comprends. Donne-moi deux secondes.<br />
J’avais rêvé, ou lui <strong>au</strong>ssi était rouge comme une pivoine ? Il a filé dans son bure<strong>au</strong> et j’ai entendu des<br />
bruissements de papier, des tiroirs qu’on refermait et des clés qui cliquetaient derrière la porte.<br />
– Prête ? Il f<strong>au</strong>t que je revienne le plus vite possible, alors on y va.<br />
Ton super pro. Typique Papa. Je n’en attendais pas moins de sa part.<br />
Il a ouvert la porte de l’entrée mais j’étais littéralement pétrifiée.<br />
– C’est pour ça que Maman et toi, vous vous détestez <strong>au</strong>tant ?<br />
Il hésitait. Fallait-il qu’il fasse comme s’il ne voyait pas de quoi je parlais ? Il a lâché la porte avant<br />
de me répondre :<br />
– Tu ne sais rien, alors que tu crois savoir. Allez, on rentre, et occupe-toi de <strong>ce</strong> qui te regarde.<br />
– Je n’y peux rien. C’est pas ma f<strong>au</strong>te si toi et Maman, vous ne pouvez pas vous sacquer. C’est plutôt<br />
la tienne, apparemment.<br />
J’avais be<strong>au</strong> savoir que mes parents ne s’aimaient plus, ça a été la révélation. Pourtant, je me sentais<br />
encore plus mal qu’avant. Sans doute par<strong>ce</strong> que je croyais que c’était à c<strong>au</strong>se de moi, que dès que je