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fin. Les devoirs de classe me semblaient vains, vu que la terminale était presque finie. J’avais<br />

l’impression qu’ils ne servaient qu’à combler le vide. On savait tout <strong>ce</strong> qu’il nous fallait savoir, non ? On<br />

méritait un minimum de répit, quand même.<br />

Le 2 mai est arrivé ; la journée s’est passée presque comme les <strong>au</strong>tres. La direction nous a demandé<br />

d’observer une minute de silen<strong>ce</strong> le matin, suivie par la lecture du nom des victimes après les annon<strong>ce</strong>s<br />

de la journée. Le soir, plusieurs veillées de prière ont été organisées dans des églises locales. À part ça,<br />

la vie suivait son cours, normal. Déjà. Un an après seulement.<br />

Au lycée on ne parlait plus que du jour de la remise des diplômes. Des fêtes organisées après pour<br />

célébrer l’événement. Et des réunions de famille, redoutables, organisées avant. Ce qu’on allait porter,<br />

comment éviter que le chape<strong>au</strong> noir de rigueur ne tombe, quelle blague on allait inventer pour charrier M.<br />

Angerson.<br />

La tradition du lycée voulait que chaque élève de terminale remette un petit truc facile à cacher <strong>au</strong><br />

moment où le directeur lui serrait la main sur l’estrade le jour de la remise des diplômes. Une année, ça<br />

avait été une poignée de cacahuètes. Une <strong>au</strong>tre, des piè<strong>ce</strong>s j<strong>au</strong>nes. Ou encore, des petites balles molles en<br />

plastique. Angerson était obligé de se débrouiller pour fourrer les objets dans sa poche, si bien qu’à la<br />

fin de la cérémonie elle était enflée et prête à craquer. La rumeur circulait que <strong>ce</strong>tte année <strong>ce</strong> serait des<br />

préservatifs, mais les cheerleaders du lycée menaient activement campagne contre. Elles préféraient<br />

l’idée de clochettes, de façon que M. Angerson ne puisse pas faire un geste sans carillonner.<br />

Personnellement, j’aimais bien l’idée des clochettes. Ou encore mieux, rien. Au fond, <strong>ce</strong> que notre classe<br />

pouvait <strong>of</strong>frir de mieux à M. Angerson, c’était un répit, une p<strong>au</strong>se. Une vraie belle poignée de rien du<br />

tout.<br />

À peine le sujet de la remise des diplômes était-il épuisé que les discussions typiques de terminale<br />

reprenaient. Qui allait à l’université du Missouri ? Qui allait passer l’année outre-Atlantique ? Qui restait<br />

sur pla<strong>ce</strong> ? Vous étiez <strong>au</strong> courant de la rumeur comme quoi J.P. allait s’engager dans le Pea<strong>ce</strong> Corps 1 ? Et<br />

s’il attrapait le paludisme et mourait ? Ou si les enfants soldats le prenaient en otage et le décapitaient<br />

dans une hutte cachée par des feuilles de bananier ? Et patati et patata… ça n’en finissait jamais.<br />

Tous les jours à l’heure du déjeuner, Mme Tate me har<strong>ce</strong>lait en me posant des questions sur mes<br />

projets et en me rassurant :<br />

– Valérie, sache qu’il n’est pas trop tard pour obtenir une bourse pour une université d’État.<br />

– Non merci.<br />

– Mais qu’est-<strong>ce</strong> que tu vas faire ?<br />

Croyez-moi, j’y réfléchissais depuis longtemps, à <strong>ce</strong> que j’allais faire. Où irais-je, une fois mon<br />

diplôme en poche ? De quoi vivrais-je ? Rester à la maison en attendant qu’éventuellement Maman et Mel<br />

se marient ? Ou pourquoi pas, emménager avec Briley, Papa et Frankie et essayer de renouer alors que je<br />

savais que Papa n’en avait <strong>au</strong>cune envie ? Ou alors partir et trouver un boulot ailleurs ? Trouver une<br />

coloc ? Tomber amoureuse ?<br />

« Me remettre », je me disais. Le fait est que j’avais simplement besoin de temps pour me remettre.<br />

Je penserais à l’avenir plus tard, quand le lycée de Garvin <strong>au</strong>rait glissé de mes ép<strong>au</strong>les comme une cape,<br />

et qu’enfin je commen<strong>ce</strong>rais à oublier le visage de mes camarades. Le visage de Troy. Le visage de Nick.<br />

L’odeur de la poudre et du sang. Si tant est que <strong>ce</strong> soit possible.<br />

Tout allait bien jusqu’à un <strong>ce</strong>rtain vendredi, pluvieux, alors que le parfum d’herbe tondue et mouillée<br />

emb<strong>au</strong>mait les couloirs. Le ciel était couvert de nuages tellement épais qu’il semblait faire nuit. La<br />

sonnerie signalant la fin des cours venait de retentir et tout le monde s’agitait. Comme d’habitude, je me<br />

tenais un peu en retrait, dans ma bulle, en attendant de cocher un nouve<strong>au</strong> jour dans mon calendrier. Un<br />

jour supplémentaire qui nous rapprochait de la remise des diplômes.<br />

J’étais devant mon casier en train d’échanger mon <strong>livre</strong> de maths contre mon manuel de scien<strong>ce</strong>s.<br />

– Alors, c’est qui la nana qui a essayé de se foutre en l’air ?

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