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drame. Enfin, je ne suis pas certain que tu sois persuadée que ce changement soit réel.
Soudain, pour la première fois – mais pas la dernière – je lui ai tout avoué. Tout. Depuis les
discussions sur Hamlet, affalés sur le lit défait de Nick, jusqu’au jour où j’avais rêvé de me venger de
Christy Bruter parce qu’elle m’avait fichu en l’air mon MP3, sans oublier la culpabilité que je ressentais.
Tout ce que je n’avais jamais pu avouer à l’inspecteur à l’hôpital. Ni à Stacey. Ni à Maman.
Était-ce dû à la façon dont le docteur Hieler m’observait, comme s’il était le seul à comprendre
comment les choses nous avaient échappé ? Ou simplement parce que j’étais prête ? Ou à cause de
l’article du journal ? Ou parce que mon corps n’en pouvait plus, il fallait qu’il lâche la pression avant
que j’en meure ?
J’avais l’impression d’être un volcan crachant toutes ses questions, ses remords, sa colère, et le
docteur Hieler résistait alors qu’il se prenait la lave en pleine figure. Me regardant attentivement. Me
répondant avec une voix douce et égale. Hochant la tête avec un air grave.
– Vous pensez vraiment que j’aurais été capable d’un geste pareil ? ai-je hurlé à un moment. Que si
j’avais eu un flingue, j’aurais tiré sur Christy ? Vous savez, quand Nick m’a dit « On va en finir avec cette
merde », j’ai cru qu’il allait, je ne sais pas… se venger en l’humiliant, par exemple, et je me suis sentie
tellement mieux. Tellement… soulagée. Au contraire, je voulais que ce soit lui qui lui fasse la peau.
– C’est tout ce qu’il y a de plus normal, non ? Ce n’est pas parce que tu étais contente que Nick
prenne ta défense que tu étais prête à tirer sur Christy.
– J’étais furax. Purée ! Vous pouvez pas savoir comme j’étais furax. Elle m’avait cassé mon MP3 et
je lui en voulais à mort.
– Normal. Moi aussi, j’aurais été furax. Mais furax ne veut pas dire coupable.
– Ça me faisait du bien de sentir que Nick était de mon côté. J’avais peur qu’il me quitte, alors ça me
rassurait qu’il prenne ma défense. Pas une seconde je n’ai pensé à la liste de la haine.
– Valérie, tu n’as jamais tiré sur elle. C’est Nick qui a tiré. Pas toi.
Je me suis affalée au fond du canapé en prenant une gorgée de Coca. On a alors entendu frapper à la
porte et sa secrétaire a pointé le nez.
– Votre rendez-vous de trois heures est arrivé.
– Merci de lui dire qu’exceptionnellement j’aurai un peu de retard.
La secrétaire a refermé la porte, et brusquement, j’ai pris conscience du silence qui pesait entre nous.
J’ai entendu une porte qui se fermait dans l’entrée, puis quelqu’un qui parlait dans le couloir. J’étais
gênée, je m’étais mise à nue, et j’avais du mal à croire que je lui avais tout déversé comme ça, d’un coup.
J’aurais voulu disparaître, ne plus jamais le revoir, me terrer dans ma chambre et prier pour que les
chevaux de mon papier peint m’emportent le plus loin possible, dans un lieu où je ne serais plus exposée.
Malheureusement, et j’ai compris ça avec effroi, j’avais beau me sentir plus calme, libérée, j’étais
loin d’en avoir fini. Il y en avait encore. Des choses plus profondes, plus noires qu’il fallait que
j’affronte. Tout ce qui me hantait la nuit, sans jamais me lâcher, comme un tic-tac me chatouillant
l’oreille, un truc qui me démangeait mais sur lequel je n’arrivais pas à mettre le doigt.
– Si ça se trouve, avant je ne la prenais même pas au sérieux, mais aujourd’hui, oui.
– Tu ne prenais pas au sérieux quoi ?
– La liste de la haine. Je n’avais aucune envie que tous ces gens disparaissent, quoique, au fond je ne
sais pas… inconsciemment, je le voulais peut-être. Nick l’avait très bien compris. Il avait saisi chez moi
quelque chose que moi-même j’étais incapable de voir. Peut-être que tout le monde l’avait vu, du reste, et
c’est pour ça qu’ils me détestaient. J’ai tout déclenché avec cette liste à la noix, et ensuite j’ai laissé Nick
faire le sale boulot. Alors, je ne sais pas… peut-être que je devrais prendre tout ça plus au sérieux. Ça
pourrait soulager les autres.
– Je doute qu’un nouveau meurtre soulage quiconque. En tout cas sûrement pas toi.
– C’est ce qu’ils attendent de moi.