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– Tu ne peux pas abandonner maintenant, m’a dit Jessica, une petite ride agacée barrant son front. Il
nous reste à peine deux mois pour finir le projet. On a besoin de ton aide. Tu t’es engagée.
– Oui, mais j’ai décidé de me désengager. J’arrête.
J’ai fermé mon casier à clé et je me suis dirigée vers les portes en verre.
– C’est quoi ton problème ? a sifflé Jessica en se précipitant derrière moi.
J’ai cru voir l’ancienne Jessica, si sûre d’elle, renaître. J’ai cru entendre sa voix répétant Qu’est-ce
que tu regardes, Sœur Funèbre ? Ce qui au fond m’arrangeait.
– Mon problème, c’est ce bahut ! ai-je répondu en serrant les dents. Mon problème, c’est toute ta
bande de copains débiles. J’ai envie qu’on me foute la paix. Envie de finir l’année et de me tailler. Tu ne
pourrais pas comprendre pour une fois ? Pourquoi tu passes ton temps à m’encourager à être ce que je ne
suis pas ?
– Je rêve ! Quand est-ce que tu dépasseras le stade de « je ne fais pas partie de ta bande », Valérie ?
Combien de fois il va falloir que je te répète que tu en fais partie ? Je croyais qu’on était amies.
J’ai pivoté comme si je voulais lui tenir tête. Hélas, je ne pouvais pas lui raconter ce qui s’était passé
avec Troy. Elle avait déjà forcé la main de Meghan pour qu’elle accepte que j’aille à la fête. Au point où
elle en était, elle était capable de débarquer chez Troy et d’envoyer les flics à ses trousses. Je l’imaginais
déjà s’emparant de moi pour en faire sa cause et obliger chaque élève de Garvin à m’accepter parmi eux.
J’en avais assez de servir de bonne conscience et d’être tout le temps scrutée par les autres. Fini, je n’en
pouvais plus.
– Désolée, mais tu te trompes. On n’est pas amies. J’ai fait un effort parce que je culpabilisais à
cause de mon carnet. Mais les autres n’ont qu’une envie, que je disparaisse. Et moi, je n’ai qu’une envie,
me tailler. Nick n’a jamais pu sacquer ta petite clique, et moi non plus.
– Au cas où tu l’aurais oublié, Nick est mort. Alors peu importe ce qu’il pensait. Je croyais que tu
étais différente, mieux. Tu m’as sauvé la vie, je te rappelle.
– T’as toujours pas compris ? Je n’ai jamais cherché à te sauver la vie. C’est parce que je voulais
l’empêcher de continuer à tirer. Ça aurait pu tomber sur n’importe qui.
– Je ne te crois pas. Pas un mot de ce que tu viens de dire.
– Ben, tu ferais mieux parce que c’est la vérité. Et tu peux finir ton petit projet merdique du BDE sans
moi.
J’ai tourné les talons et j’ai filé.
– Tu crois que ça a été facile pour moi ? a résonné sa voix dans mon dos.
Je me suis retournée. Elle était figée là où je l’avais plantée, bouleversée.
– Tu crois vraiment ?
Tout à coup elle a lâché son sac à dos et foncé vers moi d’un pas décidé avant de poursuivre :