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sais pas pourquoi je vous ai dit ça.
– Ne t’inquiète pas. Alors, je reprends, la glace à la vanille, les parents qui ne s’entendent pas, le
petit frère sympa, aime ou n’aime pas le dessin… Et encore ?
J’ai dû me creuser la tête. C’était beaucoup plus difficile que ce que je pensais.
– Je suis incapable de faire un salto arrière.
– Pas de problème. En fait, je t’ai menti. Moi aussi, j’en suis incapable. Mais ça serait assez sympa
d’essayer, tu ne trouves pas ?
– Oui, peut-être, ai-je répondu en riant. Sauf qu’en ce moment j’ai du mal à marcher.
– Ne t’en fais pas. Dans peu de temps, tu courras comme un lapin. Et qui sait, tu feras peut-être des
saltos arrière ?
– Je suis blanchie. Par rapport à la tuerie, je veux dire.
– Je sais. Je te félicite.
– Je peux vous demander quelque chose ?
– Bien sûr.
– Quand vous discutez avec Maman… pendant vos séances… est-ce qu’elle me met tout sur le dos ?
– Non.
– Est-ce qu’elle vous raconte qu’elle avait horreur de Nick et le nombre de fois où elle a essayé de
me convaincre de rompre avec lui ? Ou elle vous explique que j’ai eu ce que je méritais avec ma jambe ?
– Jamais elle ne m’a tenu ce genre de propos. Elle se fait du souci à juste titre. Elle est très affectée.
Elle s’en veut. Elle est persuadée qu’elle aurait dû être plus attentive.
– Je parie qu’elle veut que vous ayez pitié d’elle et que vous me preniez en grippe, comme tout le
monde, du reste.
– Elle ne te déteste pas, Valérie.
– Peut-être. Mais Stacey, elle, m’en veut à mort.
– Stacey ? C’est une de tes amies ? m’a-t-il demandé avec nonchalance, même si mon petit doigt me
disait que les questions du docteur Hieler n’étaient jamais gratuites.
– Ouais. On se connaît depuis toujours. Elle est passée me voir hier soir.
– Bonne nouvelle ! Ça n’a pas l’air de te faire très plaisir, cela dit.
– Si, c’était sympa. C’est juste que… oh, je ne sais pas.
Il a laissé ma phrase en suspens…
– J’ai demandé à mon frère de lui dire que je dormais parce que je n’avais pas envie de la voir.
– Pourquoi ?
– J’sais pas. Le truc, c’est que… elle… elle n’a jamais pris la peine de me demander si j’avais
vraiment tiré. Elle est censée être de mon côté, non ? Sauf qu’elle ne l’est pas. Pas vraiment. En plus elle
estime que je dois m’excuser. Pas vis-à-vis d’elle. Vis-à-vis des autres. Genre, en public. D’après elle, il
faudrait que j’aille voir chaque famille en leur demandant pardon pour ce qui est arrivé.
– Qu’en penses-tu ?
Cette fois-ci c’est moi qui ai laissé la question en suspens. L’idée d’avoir à faire face à tous ces gens
– qui pleuraient et hurlaient pour que justice soit faite chaque fois que j’allumais la télé, que j’ouvrais un
journal, ou que j’apercevais la couverture d’un magazine – me donnait la nausée.
– J’ai demandé à Frankie de la renvoyer, alors qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?
– Oui, mais au fond tu aurais voulu qu’elle reste.
Il s’est levé en s’étirant en arrière.
– Il paraît que tout est dans les jambes, a-t-il dit en s’accroupissant comme s’il s’apprêtait à sauter.
– Comment ça, tout est dans les jambes ?
– Pour un beau salto arrière.