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parlait. Il portait toujours son costume marronnasse, triste à mourir, comme les sacs en papier kraft des<br />

supermarchés. Il avait <strong>ce</strong>tte façon agaçante d’incliner la tête de côté, comme si je mentais, alors que je<br />

disais la vérité. Heureusement, il s’arrangeait pour que nos échanges ne durent pas trop longtemps et<br />

m’abandonnait dans ma chaise roulante à regarder mes émissions de cuisine.<br />

Après le départ de l’inspecteur, Maman est arrivée avec mes vrais vêtements, deux ou trois<br />

magazines et une barre chocolatée. Elle semblait un peu moins déprimée que d’habitude. Elle n’avait pas<br />

non plus l’air d’avoir trop pleuré. Ces jours-ci, elle avait tout le temps le nez rouge et les yeux bouffis, et<br />

j’ai eu un choc en la voyant entrer d’un pas léger, maquillée, avec, non pas un sourire, mais un air<br />

satisfait sur le visage.<br />

Elle m’a aidée à m’habiller avec les vêtements qu’elle m’avait rapportés. Elle m’a même permis de<br />

m’appuyer sur elle pour s<strong>au</strong>tiller sur une jambe jusqu’à la chaise roulante. Elle a déroulé le cordon de la<br />

télécommande que j’avais enroulé <strong>au</strong>tour du montant du lit avant de me la donner. Puis elle s’est assise <strong>au</strong><br />

bord du lit.<br />

– Ta jambe est en voie de guérison, m’a-t-elle annoncé.<br />

Silen<strong>ce</strong>.<br />

– Tu viens de parler avec l’inspecteur Panzella.<br />

Nouve<strong>au</strong> silen<strong>ce</strong>. J’avais les yeux rivés sur mes pieds nus en regrettant d’avoir oublié de lui<br />

demander de m’apporter des socquettes.<br />

– Tu n’as rien à ajouter à <strong>ce</strong> sujet ?<br />

– Il est persuadé que je suis coupable. Comme toi.<br />

– Attends, Valérie. Je n’ai jamais dit ça.<br />

– Tu n’es jamais là quand il m’interroge, Maman. Personne n’est jamais là. Je suis toujours seule.<br />

– C’est un <strong>of</strong>ficier particulièrement gentil, Valérie. Il n’est pas là pour t’accuser. Il cherche à<br />

comprendre <strong>ce</strong> qui s’est passé.<br />

Je n’ai rien dit, décidément trop fatiguée pour argumenter. Peu importe <strong>ce</strong> qu’elle pensait. C’était<br />

tellement énorme qu’elle ne pourrait jamais me s<strong>au</strong>ver, même si elle était persuadée de mon inno<strong>ce</strong>n<strong>ce</strong>.<br />

J’ai zappé d’une chaîne à l’<strong>au</strong>tre jusqu’à <strong>ce</strong> que je tombe sur Rachel Ray qui préparait un plat <strong>au</strong><br />

poulet. Seul résonnait le bruissement des ch<strong>au</strong>ssures de Maman quand elle changeait de position, ou le<br />

grin<strong>ce</strong>ment du siège en Skaï de ma chaise roulante quand c’est moi qui bougeais. Maman ne savait<br />

sûrement plus quoi me dire, elle non plus. Qu’elle ne compte pas sur moi pour lui servir une grande<br />

confession dramatique, genre soap opera.<br />

– Où est passé Papa ? ai-je fini par demander.<br />

– Il est rentré à la maison.<br />

La question sous-entendue était en suspens entre elle et moi, et je préférais ne pas la poser, jusqu’<strong>au</strong><br />

moment où je me suis dit qu’elle n’attendait que ça.<br />

– Lui <strong>au</strong>ssi, il pense que je suis coupable ?<br />

Elle a pris la télécommande en dénouant encore le cordon.<br />

– Il ne sait plus quoi penser, Valérie. Il est rentré pour réfléchir. En tout cas c’est <strong>ce</strong> qu’il prétend.<br />

Ah ! La réponse était pire que la question, dans le genre sous-entendu. En tout cas c’est <strong>ce</strong> qu’il<br />

prétend.<br />

– Il me déteste.<br />

– Tu es sa fille. Il t’aime.<br />

– Tu dis ça par devoir. J’en suis sûre et <strong>ce</strong>rtaine, Maman. Il me déteste. Toi <strong>au</strong>ssi, tu me détestes ? Tu<br />

crois que le monde entier me hait ?<br />

– Arrête de dire des bêtises, Valérie, m’a-t-elle répondu en se levant pour prendre son sac. Allez, je<br />

des<strong>ce</strong>nds, je vais m’acheter un sandwich. Tu veux quelque chose ?<br />

J’ai secoué la tête, et à peine était-elle sortie qu’une pensée m’a traversé l’esprit comme un flash.

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