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– C’est pas le problème, Ted. Il l’a menacée. Il lui a fichu une trouille pas possible. Et il avait un
revolver.
– Qui n’était pas chargé. Qui te dit que c’était un vrai flingue ? En plus… c’est pas à nous de nous en
occuper. Laisse sa mère s’en débrouiller, si tant est qu’elle en parle à sa mère. C’est Jenny qui l’a
autorisée à sortir ; c’est à elle de prendre ses responsabilités.
– Elle a besoin de savoir qu’elle a un parent, là, tout de suite, Ted.
– Mais tu n’es pas sa mère !
Je n’en revenais pas qu’il ose lui lancer une vacherie pareille, et sincèrement, j’ai eu pitié de Briley.
De son côté, elle a dû être aussi stupéfaite parce qu’il a tout de suite baissé d’un ton – comme s’il
contenait sa rage.
– Je suis désolé… je suis désolé. Je sais que tu voudrais qu’on soit une grande famille, mais c’est
trop tôt. Tu ne peux pas encore jouer le rôle de parent pour elle. Moi, oui.
– Dans ce cas, comporte-toi comme un parent.
Telle est la réponse, confuse, que j’ai entendue, suivie par des bruits de pas et de pantoufles glissant
sur le plancher, puis la porte de leur chambre qui se refermait doucement.
Papa a soupiré. Nouveaux bruits de pas feutrés. Et il a débarqué dans le salon.
– Je te ramènerai à la maison demain matin, m’a-t-il annoncé. Et la copine chez qui tu devais passer
la nuit ? Tu n’as pas peur qu’elle appelle ta mère quand elle verra que tu as disparu ?
– J’ai laissé un message sur son portable en lui disant que je ne me sentais pas bien et que je t’avais
demandé de venir me chercher. Ne t’inquiète pas.
– Écoute… en tant qu’avocat, je te conseille d’appeler la police pour leur dire que ce type t’a
menacée. Tu verras comment ils réagiront. Comme ça au moins, ils auront enregistré votre conversation.
– Je vais y réfléchir.
– Oui, réfléchis. Il faut aussi que tu en parles à ta mère.
– Je sais, ai-je répondu.
Mais en mon for intérieur, je me suis jurée de ne pas le faire. Cette fête était pour elle une libération.
En plus, il avait raison. Je n’étais pas experte en armes. Si ça se trouve, le revolver de Troy était un faux.
Comment aurais-je pu faire la différence ?
– Allez, on ferait mieux d’aller se coucher, a conclu Papa en m’indiquant l’oreiller et la couverture
sur le canapé. Je te promets que je te raccompagne à la première heure demain matin. J’ai des rendezvous
assez tôt.
Il a éteint le lampadaire, plongeant le salon dans le noir. Je me suis allongée sur le canapé et j’ai fixé
le plafond jusqu’à ce que j’aie mal aux yeux, parce que j’avais peur de les fermer et de voir apparaître
les images de la soirée. Je n’en pouvais plus d’avoir peur. Hélas, allongée comme ça sur ce canapé,
toutes les routes qui se présentaient à moi me paralysaient de frousse.
Autre chose qui ne faisait aucun doute à mes yeux. Papa ne viendrait jamais à ma rescousse. Inutile
que je lui tende des perches. Il avait son avis sur moi et il n’en démordrait pas.
Le lendemain matin, il m’a raccompagnée à la maison en voiture comme prévu. Ni l’un ni l’autre n’a
bronché. Le jour était à peine levé, le ciel était gris et la maison avait l’air endormie.
– Dis à Frankie que je passerai vous prendre samedi matin. On ira déjeuner quelque part.
– D’accord, je vais le prévenir, mais je crois que je resterai à la maison.
– Ça m’aurait étonné.
1- Émission de télévision très regardée aux États-Unis.