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les pieds sur terre à propos de telle ou telle broutille !<br />
– Alors, il est parti, Papa ?<br />
– Il s’est installé avec elle. C’est pas plus mal.<br />
– Tu crois qu’il va te manquer ?<br />
– Il me manque déjà. Mais <strong>ce</strong>lui qui me manque, c’est pas le type avec qui je vivais depuis des<br />
années, c’est <strong>ce</strong>lui à qui un jour j’ai dit « Tu me manques. » Tu ne peux pas comprendre.<br />
J’ai été un peu vexée qu’elle m’exclue <strong>au</strong>ssi vite, et j’ai hésité, mais finalement j’ai décidé de me<br />
justifier.<br />
– Ben… si, je comprends. Moi <strong>au</strong>ssi, Nick me manque. Ce qui me manque le plus, c’est l’époque où<br />
on allait <strong>au</strong> bowling, où on sortait à deux et où on était trop heureux ensemble. Je sais que tu penses qu’il<br />
était <strong>ce</strong>nt pour <strong>ce</strong>nt nuisible, mais tu te trompes. Il était super gentil et super intelligent. Ça <strong>au</strong>ssi, ça me<br />
manque.<br />
– Oui, j’imagine qu’il te manque, m’a-t-elle répondu – et ça m’a fait un tel bien que je serais<br />
incapable de trouver les mots pour le dire. Tu te rappelles… (Elle a sorti un Kleenex en reniflant.) Tu te<br />
rappelles l’été où on est allés dans le Dakota du Sud ? Souviens-toi, on a pris le vieux break de grandpère,<br />
on a embarqué une glacière pleine de sandwichs et de boissons, et on est partis sur un coup de tête,<br />
par<strong>ce</strong> que ton père voulait que toi et Frankie, vous voyiez le mont Rushmore ?<br />
– Ouais. Tu avais emporté le pot de chambre de Frankie <strong>au</strong> cas où on <strong>au</strong>rait une urgen<strong>ce</strong> <strong>au</strong> milieu de<br />
nulle part. Frankie a mangé des pin<strong>ce</strong>s de crabe je ne sais plus où dans le Nebraska, et après il a tout<br />
vomi sur la table.<br />
– Ton père refusait de s’arrêter pour se reposer avant d’avoir vu le Corn Pala<strong>ce</strong>, <strong>ce</strong> monument kitsch.<br />
– Et le musée. Rappelle-toi, j’ai pleuré par<strong>ce</strong> que je m’attendais à <strong>ce</strong> qu’il y ait des joueurs de rock,<br />
par<strong>ce</strong> que j’avais compris que c’était le musée du rock. En fait c’était le musée de la roche.<br />
– Et ta grand-mère, Dieu ait son âme, qui fumait <strong>ce</strong>s cigarettes épouvantables pendant tout le trajet…<br />
On s’est interrompues en même temps, riant en pensant à <strong>ce</strong> périple affreux. Affreux mais<br />
merveilleux.<br />
– Je m’étais juré que mes enfants n’<strong>au</strong>raient jamais des parents divorcés, a-t-elle soudain déclaré.<br />
J’ai réfléchi quelques instants avant de répondre :<br />
– Oh, ça va, je comprends. Papa n’était pas bien ici. C’est peut-être pas un père idéal, mais personne<br />
ne mérite d’être malheureux à <strong>ce</strong> point-là.<br />
– Tu étais <strong>au</strong> courant.<br />
– Oui. J’ai vu Briley dans son bure<strong>au</strong> il y a quelque temps. J’ai compris.<br />
– Briley, a répété Maman comme si elle s’entraînait à pronon<strong>ce</strong>r son nom pour voir quel effet ça<br />
faisait.<br />
Pensait-elle qu’il était plus sexy que le sien ? Plus attirant que son prénom, Jenny ?<br />
– Tu as prévenu Frankie ?<br />
– Ton père lui a dit. Juste après toi. Je n’avais <strong>au</strong>cune envie de jouer le rôle de <strong>ce</strong>lle qui vous<br />
briserait le cœur. C’était à lui de vous annon<strong>ce</strong>r qu’il se met en ménage avec une gamine de vingt ans.<br />
C’est fini, je ne ferai plus le sale boulot pour lui. J’en ai marre de jouer le rôle de la méchante.<br />
– Et Frankie, ça va ?<br />
– Non. Lui non plus, il ne sort plus de sa chambre. Du coup je me fais du m<strong>au</strong>vais sang pour lui et je<br />
ne… sais pas… si… je vais tenir le coup… toute seule…<br />
Elle a éclaté en sanglots avec une telle violen<strong>ce</strong> que j’en ai eu les larmes <strong>au</strong>x yeux.<br />
– Frankie est un garçon bien, Maman. Il a des copains super équilibrés. Il ne… sera jamais comme<br />
moi, j’ai failli dire, mais j’étais tellement gênée que j’ai rectifié la phrase en ajoutant : … fera jamais de<br />
conneries.<br />
– J’espère que non. J’ai déjà du mal à maîtriser <strong>ce</strong> qui se passe avec toi. Je suis seule. Je ne peux pas