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Artemis Fowl, La Stratégie Ender…<br />

– Un jour, Louis, mon be<strong>au</strong>-père numéro 3, a rapporté un vieux <strong>livre</strong> qu’il avait récupéré dans une<br />

brocante. Il trouvait ça très drôle, a ajouté Nick en me reprenant la copie d’Hamlet. « Celui-là, ça<br />

m’étonnerait que t’arrives à le lire, Grosmalin », a fait Nick en imitant la voix rocailleuse du be<strong>au</strong>-père<br />

en question. Ça le faisait marrer, <strong>ce</strong> gros naze. Il trouvait ça hilarant. Ma mère <strong>au</strong>ssi.<br />

– Et tu l’as lu pour les narguer.<br />

– Au début, oui. Mais après… a-t-il ajouté en s’installant à côté de moi.<br />

La chaleur de son ép<strong>au</strong>le contre la mienne me faisait tellement de bien !<br />

– … j’ai commencé à être pris par l’intrigue de la piè<strong>ce</strong>. J’avais l’impression de remettre en pla<strong>ce</strong><br />

des mor<strong>ce</strong><strong>au</strong>x de puzzle. En plus, ça me faisait rire de savoir que Louis m’avait donné un <strong>livre</strong> où le<br />

be<strong>au</strong>-père était le sal<strong>au</strong>d de l’histoire. Quel imbécile…<br />

– Alors, c’est ta grand-mère qui t’a ramené tous <strong>ce</strong>s <strong>livre</strong>s ?<br />

– Certains. J’en ai <strong>au</strong>ssi acheté. Mais la majorité m’ont été donnés par une bibliothécaire qui m’avait<br />

à la bonne. Elle savait que j’aimais bien Shakespeare. À mon avis, elle avait un peu pitié de moi.<br />

J’ai pris Macbeth.<br />

– Et <strong>ce</strong>lui-ci ?<br />

J’ai passé les premières journées à l’hôpital à essayer de me souvenir de <strong>ce</strong> jour-là. À me creuser<br />

pour tout me rappeler, dans les moindres détails. Les draps de son lit étaient rouges. Il avait un oreiller,<br />

mais sans taie. Une photo encadrée d’une femme blonde – sa mère – trônait <strong>au</strong> bord de la commode. On<br />

était en train de parler du Roi Lear quand on a entendu quelqu’un tirer la chasse <strong>au</strong>-dessus de nous. Puis<br />

les pas de sa mère qui allait et venait entre la salle de bains, la cuisine et sa chambre. Rien, je ne voulais<br />

rien oublier. Plus les détails me revenaient en mémoire, plus <strong>ce</strong> qu’on racontait sur Nick dans les médias<br />

me semblait décalé. Le soir, quand tout le monde était parti et que je me retrouvais seule, j’allumais la<br />

télé en catimini et je regardais les reportages sur la fusillade.<br />

Quand je n’étais pas en train de me remémorer <strong>ce</strong>tte première soirée dans la chambre de Nick,<br />

j’essayais de recoller les mor<strong>ce</strong><strong>au</strong>x de <strong>ce</strong> qui s’était passé dans la cafétéria, <strong>ce</strong> qui était encore plus<br />

difficile, pour toutes sortes de raisons.<br />

D’abord, les deux premiers jours j’étais un peu dans les vapes, une espè<strong>ce</strong> de brouillard<br />

médicamenteux. C’est drôle, on pourrait croire que la pire douleur quand on se fait tirer dessus, c’est pile<br />

<strong>au</strong> moment du tir, mais pas du tout. Je ne me souvenais pas d’avoir senti quoi que <strong>ce</strong> soit. De la peur,<br />

peut-être. Une sensation bizarre, pesante. Mais pas de la douleur. J’ai commencé à avoir mal le<br />

lendemain, après l’opération, ma pe<strong>au</strong>, mes nerfs et mes muscles réagissant <strong>au</strong> choc.<br />

Vous ne pouvez pas savoir à quel point j’ai pleuré <strong>au</strong> cours de <strong>ce</strong>s deux premiers jours. Je voulais à<br />

tout prix qu’on me donne un truc contre la douleur. C’était pas une piqûre d’abeille. Ça me faisait un mal<br />

de chien.<br />

L’infirmière, qui me détestait, venait régulièrement pour m’administrer une injection de tel remède ou<br />

une gorgée de tel <strong>au</strong>tre, mais après les gens <strong>au</strong>tour de moi me paraissaient bizarres et la piè<strong>ce</strong> devenait<br />

toute granuleuse. Je ne sais pas si je dormais be<strong>au</strong>coup, mais je sais qu’une fois <strong>ce</strong>s deux jours passés,<br />

quand elle a arrêté de me prodiguer <strong>ce</strong>s antidouleur hallucinogènes pour les rempla<strong>ce</strong>r par des norm<strong>au</strong>x,<br />

j’<strong>au</strong>rais donné n’importe quoi pour dormir le plus souvent possible.<br />

La raison principale pour laquelle j’avais du mal à recoller les mor<strong>ce</strong><strong>au</strong>x, c’est tout simplement que<br />

je n’arrivais pas à les faire coller. À un moment j’ai même demandé à l’infirmière s’il était possible que<br />

la détonation du fusil ait brouillé mon <strong>ce</strong>rve<strong>au</strong> à tel point que je n’arrivais plus à remettre mes idées en<br />

pla<strong>ce</strong>. Je n’avais qu’une envie, dormir. Disparaître pour me retrouver dans un <strong>au</strong>tre monde, à mille lieues<br />

du mien.<br />

« Le corps possède différents mécanismes pour se protéger des chocs trop violents », m’expliquait<br />

l’infirmière, et je priais pour que le mien ait recours à tous les mécanismes possibles pour en finir avec

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