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– Peut-être, mais tu t’es encore débrouillée pour t’attirer des ennuis ce soir.
– Tu ne sais pas ce qui s’est passé. Tu penses que je me suis laissé embarquer dans un sac de nœuds
et que je suis coupable. Tu pourrais au moins faire semblant de t’intéresser à ce qui s’est passé, essayer
de comprendre.
– Je vais te dire ce que je comprends, a-t-il répondu avec un ricanement typique d’avocat. Ce que je
comprends, c’est que dès qu’on te laisse seule, tu as des embrouilles. Je comprends aussi que je passais
une soirée sympa et relax avec Briley, et pour la énième fois tu as tout foutu en l’air.
– Désolée de déranger ta petite vie pépère avec ta chérie. Désolée que ta vraie famille vienne te
déranger. Mais au cas où…
– Ce que je comprends, m’a-t-il interrompue, vociférant brusquement, c’est que ta mère te laisse
sortir comme ça, en toute liberté. Je peux te dire que si j’avais été là, je t’aurais interdit d’aller à la
moindre fête !
– Sauf que tu n’étais pas là. C’est là que le bât blesse. Tu n’es jamais là. Même quand tu traînes à la
maison, tu n’es pas là. Briley, c’est pas ta famille. Ta famille, c’est moi. Moi. Briley, c’est jamais
qu’une… liaison à la noix.
Il a donné un violent coup de volant et la Lexus a fait une embardée vers le bas-côté. La voiture
derrière nous a pilé en grinçant et en klaxonnant à tue-tête. Puis elle a dépassé la nôtre et le chauffeur a
fusillé Papa du regard. Qui n’a rien remarqué. Il a coupé le contact et il est descendu. Il a fait les cent pas
le long de la voiture jusqu’au moment où il a ouvert ma portière, brutalement, et m’a attrapée par l’épaule
avec une force incroyable en m’obligeant à descendre. Je suis sortie tant bien que mal en lâchant un petit
glapissement pitoyable.
Il m’a tirée contre lui, à deux millimètres de son visage, les doigts enfoncés dans mon épaule.
– Écoute-moi bien, jeune fille, m’a-t-il menacée en serrant les dents. Il est temps que tu comprennes
que tu as eu une vie sacrément sympa, une vie de gamine pourrie gâtée, alors je commence à en avoir
assez de… (Il m’a postillonné contre le menton.) Assez que tu fiches en l’air la vie de tout le monde
autour de toi. Soit tu reprends tout ce merdier en main et tu te tiens à carreau, soit je te fous à la porte.
J’étais là, les yeux écarquillés, haletant, et les genoux tremblants. Toute ma rage avait fondu. J’avais
trop peur pour être en colère. Je hochais la tête comme une idiote.
– Bien. Maintenant je vais t’amener chez moi, où je vis avec Briley qui, que ça te plaise ou non, est
aussi ma famille, et tu n’as pas intérêt à l’importuner. Si tu n’es pas fichue de te comporter correctement
une seule putain de soirée, je te ramène illico chez ta mère, mais tu auras cinq minutes à peine pour
rassembler tes affaires et décamper. Hors de cette famille-là aussi. Pigé ? C’est pas le moment de me
chercher.
Une voiture argentée a ralenti et j’ai vu la vitre du côté passager se baisser. Un visage de femme,
inquiète et intriguée, est apparu, demandant aussitôt :
– Tout va bien ?
Ni Papa ni moi n’avons bougé. Nous nous regardions comme deux chiens de faïence.
Jusqu’au moment où Papa, qui soufflait comme un bœuf, m’a lâché l’épaule.
– Ça va, ça va, a-t-il répondu en disparaissant de l’autre côté de la voiture.
– Mademoiselle ? m’a interpellée la femme. Ça va ? Vous voulez que j’appelle quelqu’un ?
Lentement, comme si j’étais sous l’eau, je me suis retournée. Elle a agité son portable en clignant de
l’œil du côté de Papa qui remontait dans la Lexus. J’ai failli me jeter dans sa voiture en la suppliant de
m’emmener loin, le plus loin possible, n’importe où.
Mais j’ai juste répondu :
– Tout va bien. Merci.
– Vous êtes sûre ? a insisté la femme.
– Ouais, ça va.