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– Docteur Dentley. Je suis le psychiatre de l’hôpital de Garvin. Comment va ta jambe, dis-moi ?<br />

– Ça va.<br />

– Bien, bien, m’a-t-il répondu avec un grand sourire, ou plutôt un rictus qu’il devait se croire obligé<br />

d’afficher non-stop.<br />

C’était sans doute par<strong>ce</strong> qu’il était nerveux, et par<strong>ce</strong> qu’il avait peur, mais pas particulièrement de<br />

moi. Plutôt peur de la vie. La vie qui pouvait lui s<strong>au</strong>ter à la figure et le mordre à tout instant.<br />

– Alors, dis-moi à quel point tu as mal, Valérie.<br />

Il a fait apparaître mon dossier qui, bien sûr, comportait la courbe indiquant les variations de ma<br />

douleur. Depuis que j’étais à l’hôpital je devais répondre à <strong>ce</strong>tte question environ… un millier de fois<br />

par jour. À combien en est ta douleur <strong>au</strong>jourd’hui ? À dix ? À sept ? Peut-être à quatre et demi <strong>ce</strong> matin ?<br />

– Aujourd’hui je suis à deux. Mais pourquoi ? Je vais sortir ?<br />

– Valérie, tu es ici par<strong>ce</strong> que nous voulons que tu guérisses, m’a répondu le docteur avec le ton gentil<br />

et patient d’un maître de jardin d’enfants. Mais il f<strong>au</strong>t <strong>au</strong>ssi que tu guérisses de tes blessures intérieures.<br />

Voilà pourquoi je suis venu te voir. Je voudrais procéder à <strong>ce</strong>rtaines évaluations sur toi afin de<br />

déterminer la meilleure façon de t’aider à te sentir bien mentalement. Tu as envie de te faire mal<br />

<strong>au</strong>jourd’hui ?<br />

– Quoi ?<br />

Je me suis retournée vers Maman pour qu’elle m’aide à comprendre. Elle avait les yeux rivés sur ses<br />

ch<strong>au</strong>ssures.<br />

– Je t’ai simplement demandé si tu avais des envies de te mettre en danger, toi, ou les <strong>au</strong>tres ?<br />

– Vous voulez dire, si j’ai envie de me suicider ?<br />

– Ou de te couper les veines, a-t-il ajouté avec son rictus débile. Ou peut-être que tu as des pensées<br />

un peu mortifères.<br />

– Pas du tout. Qu’est-<strong>ce</strong> que vous racontez ? Pourquoi voulez-vous que j’aie envie de me suicider ?<br />

– Valérie, j’ai parlé un <strong>ce</strong>rtain temps avec tes parents, avec la poli<strong>ce</strong> et les médecins. Nous avons<br />

longuement évoqué les idées de suicide qui manifestement te hantent depuis quelque temps. Or <strong>au</strong> vu des<br />

événements ré<strong>ce</strong>nts, nous avons peur que <strong>ce</strong>s pensées ne te submergent…<br />

Nick était obnubilé par l’idée de mort. Mais comme ça, sans plus. De même qu’<strong>au</strong>tour de nous il y<br />

avait des ados qui étaient obnubilés par les jeux vidéo. Ou d’<strong>au</strong>tres qui ne pensaient qu’<strong>au</strong> sport. Certains<br />

adoraient tout <strong>ce</strong> qui était militaire. Nick, lui, aimait la mort. Oui, c’est vrai, depuis le fameux jour où il<br />

s’était allongé sur son matelas pour m’expliquer qu’Hamlet <strong>au</strong>rait dû tuer Cl<strong>au</strong>dius, Nick ne me parlait<br />

que de mort.<br />

Mais c’était toujours à travers des histoires, rien de grave. Des films, des <strong>livre</strong>s qui mettaient en<br />

scène la mort de façon particulièrement marquante. C’était son truc. S<strong>au</strong>f que, sans m’en rendre compte,<br />

j’avais adopté ses codes ; moi <strong>au</strong>ssi j’avais pris l’habitude de lire et de raconter des récits macabres.<br />

Après tout, c’était de la fiction. Shakespeare racontait des histoires de mort. Edgar Poe racontait des<br />

histoires de mort. Le flippant Stephen King racontait des histoires de mort. Et alors ?<br />

Quoi qu’il en soit, je n’avais jamais remarqué qu’on en parlait de plus en plus souvent. Que les<br />

histoires de Nick étaient toujours des récits de suicides. D’homicides. De même que les miennes. S<strong>au</strong>f<br />

que, <strong>au</strong>tant que je sache, on en restait toujours à la fiction.<br />

Le jour où j’avais feuilleté les mails que m’avait donnés l’inspecteur Panzella <strong>au</strong> cours de sa<br />

première visite, j’étais tombée des nues. Comment avais-je pu être aveugle à <strong>ce</strong> point-là ? Ne pas<br />

remarquer que tous <strong>ce</strong>s courriers formaient une même histoire, un cri d’alarme qui <strong>au</strong>rait alerté n’importe<br />

qui ? Ne pas voir que les mots de Nick basculaient peu à peu de la fiction à la réalité ? Ne pas voir que<br />

mes propres réponses – qui dans mon esprit étaient toujours de l’ordre de l’imaginaire – donnaient de<br />

moi l’image d’une fille complètement obsédée par la mort ?<br />

Je ne sais pas, en tout cas je n’avais rien vu. J’avais be<strong>au</strong> le regretter de tout mon cœur, je n’avais

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