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9<br />
J’étais assise dans une chaise roulante à côté de mon lit, et pour la première fois depuis la tuerie, je<br />
portais un jean et un T-shirt. Maman me les avait rapportés de la maison. Ils dataient du CM1 ou du CM2,<br />
et ils étaient complètement démodés. Pourtant j’étais ravie de porter de vrais vêtements, même si je ne<br />
pouvais pas be<strong>au</strong>coup bouger à c<strong>au</strong>se du frottement de la toile contre ma cuisse qui me faisait grin<strong>ce</strong>r des<br />
dents. Et puis ça me faisait <strong>au</strong>ssi du bien d’être assise, en me tenant droite, enfin… plus ou moins. En fait<br />
je n’avais pas grand-chose à faire, à part regarder la télé.<br />
Pendant la journée, quand Maman, l’inspecteur Panzella et les infirmières étaient dans ma chambre, je<br />
mettais soit TV-Cuisine, soit une chaîne câblée où j’étais sûre qu’on ne passait pas de reportages sur la<br />
fusillade. Mais le soir, ma curiosité l’emportait et je regardais les nouvelles en essayant de savoir qui<br />
était mort, qui avait survécu, et comment se passait la reprise de la vie quotidienne <strong>au</strong> lycée.<br />
Dès qu’il y avait de la pub, je gambergeais. Je pensais à mes copains en me demandant comment ils<br />
s’en étaient sortis. Qu’est-<strong>ce</strong> qu’ils faisaient ? Ils pleuraient ? Ils faisaient la fête ? Ou ils poursuivaient<br />
leur petite vie ? Puis mon esprit s’échappait et je songeais <strong>au</strong>x victimes. Vite, je changeais de chaîne pour<br />
penser à <strong>au</strong>tre chose.<br />
Je passais la matinée à répondre <strong>au</strong>x questions de l’inspecteur, et je peux vous dire que c’était pas<br />
drôle. Il était persuadé que c’était moi qui avais tiré. Ou <strong>au</strong> moins que j’étais l’instigatri<strong>ce</strong> du carnage.<br />
Peu importe <strong>ce</strong> que je répondais, il en avait la conviction. Peu importe que je pleure toutes les larmes de<br />
mon corps, il n’en démordait pas. Et vu les preuves qu’il m’avait apportées, je pouvais difficilement lui<br />
en vouloir. Tout montrait que j’étais coupable, même à mes yeux.<br />
Il avait fouillé ma maison de fond en comble. Ma chambre. Mon ordinateur. Il avait soigneusement<br />
écouté tous les messages de mon portable. Récupéré tous mes mails. Lu et relu le carnet… le fameux<br />
carnet.<br />
D’après <strong>ce</strong> que je comprenais, tout le monde avait plus ou moins vu <strong>ce</strong> carnet. Même les médias<br />
étaient <strong>au</strong> courant. J’en avais aperçu des mor<strong>ce</strong><strong>au</strong>x <strong>au</strong> cours d’émissions de fin de soirée à la télé. J’en<br />
avais entendu des passages cités <strong>au</strong> cours d’une matinale, et je ne pouvais pas m’empêcher de remarquer<br />
l’ironie du fait que <strong>ce</strong>s présentateurs de télé adoubés, tellement fascinés par <strong>ce</strong> carnet, étaient exactement<br />
le genre de personnalités qui <strong>au</strong>raient fini par s’y retrouver. Du reste, je crois qu’ils étaient un ou deux à y<br />
être. Le savaient-ils… ?<br />
Et ainsi de suite, je m’enfonçais dans une spirale sans fin de questions et de « et si ? », et c’était un<br />
c<strong>au</strong>chemar, surtout avec l’inspecteur Panzella qui tournicotait dans ma chambre en reniflant.<br />
À <strong>ce</strong> stade-là j’avais perdu le compte du nombre de jours passés à l’hôpital, mais je devais y être<br />
depuis une semaine environ vu le nombre de visites de l’inspecteur <strong>au</strong>xquelles j’avais eu droit.<br />
Ce jour-là, il était déjà dans ma chambre alors que je venais de m’habiller et de m’installer dans ma<br />
chaise roulante. Comme d’habitude il sentait le cuir et émettait <strong>ce</strong>s petits claquements des lèvres quand il