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36<br />

Je n’avais jamais été sur la tombe de Nick, mais je savais exactement où elle était. D’abord par<strong>ce</strong><br />

qu’on l’avait vue à la télé quasiment toutes les dix secondes dans le mois qui avait suivi la fusillade.<br />

Ensuite par<strong>ce</strong> que j’avais suffisamment entendu de gens en parler pour savoir à quoi elle devait<br />

ressembler.<br />

Je n’avais prévenu personne que j’y allais. De toute façon, qui prévenir ? Maman ? Elle éclaterait en<br />

sanglots et elle me suivrait en hurlant à travers la vitre de la voiture. Papa ? B<strong>of</strong>, on ne peut pas dire que<br />

le courant passait très bien entre lui et moi. Le docteur Hieler ? Oui, mais la dernière fois que je l’avais<br />

vu, je n’avais pas encore pris ma décision. Je suis sûre qu’il m’<strong>au</strong>rait proposé de m’accompagner en<br />

voiture et ça m’<strong>au</strong>rait épargné d’avoir <strong>ce</strong>s élan<strong>ce</strong>ments insupportables dans la jambe. Mes copains ? Oh,<br />

je les avais tous plus ou moins balancés hors de ma vie.<br />

J’ai longé plusieurs rangées de tombes parfaitement entretenues, avec des pierres tombales polies et<br />

des bouquets de fleurs fraîches, jusqu’à <strong>ce</strong> que je trouve la sienne, entre <strong>ce</strong>lle de son grand-père Elmer et<br />

<strong>ce</strong>lle de sa tante Mazie, dont il m’avait parlé, mais que je n’avais jamais rencontrés.<br />

Je l’ai regardée un long moment. Le vent venait de se lever pour chasser l’hiver et tournoyait <strong>au</strong>tour<br />

de mes chevilles ; je frissonnais. Le table<strong>au</strong> était parfait : le léger froid, le vent, la grisaille, mon chagrin,<br />

et ma poitrine qui m’opprimait à c<strong>au</strong>se de la marche. Un paysage de cimetière typique, non ? En tout cas<br />

c’est comme ça que les cimetières apparaissaient dans les films. Sombres, glacés. Comment le soleil<br />

pourrait-il rayonner le jour où vous allez voir la demeure éternelle d’une personne que vous avez aimée ?<br />

La tombe de Nick brillait <strong>au</strong>tant que <strong>ce</strong>lles qui l’entouraient. La lueur dégagée par le ciel couvert<br />

projetait de longues ombres grises qui semblaient jouer sur l’épitaphe. Que j’ai réussi à déchiffrer :<br />

NICHOLAS ANTHONY LEVIL<br />

1990 – 2008<br />

Mon fils bien-aimé<br />

J’ai été surprise par l’expression « Mon fils bien-aimé ». Elle était en petits caractères, en italique,<br />

presque enfouie dans l’herbe. Comme une excuse.<br />

J’ai pensé à sa mère. Bien sûr, je l’avais vue plus d’une fois à la télé, mais <strong>ce</strong> n’était pas la femme<br />

que j’avais rencontrée. Je l’avais toujours connue sous le nom de « M’man », telle que l’appelait Nick, et<br />

avec moi, elle avait toujours été sympa et relax. Un peu en retrait, évitant de nous déranger, discrète, ne<br />

se croyant jamais obligée de nous asséner des règles sur la façon de se comporter. Cool. Je l’aimais bien.<br />

Souvent j’imaginais que c’était ma belle-mère et l’idée me plaisait.<br />

Évidemment que M’man voulait qu’on se souvienne de Nick comme de son « fils bien-aimé ». Et<br />

évidemment, elle voulait passer le message de la façon la plus discrète possible, chuchotant ses mots à<br />

l’oreille de son fils en lettres minuscules gravées sur sa pierre tombale. À peine un murmure. Je t’ai

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