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a dû en grande partie t’échapper. Justement, à partir de maintenant, je voudrais que ce soit toi qui prennes les choses en main. Nous avancerons en respectant le rythme dont tu auras besoin. Si j’aborde une question dont tu ne veux pas parler, ou un point sur lequel tu ne veux pas insister, n’hésite pas à me le dire, et je changerai pour envisager un sujet plus facile et moins déstabilisant. » La prochaine fois que nous nous verrons, nous commencerons par faire ta connaissance, savoir ce qui t’intéresse, quel genre de vie tu avais avant, nous apprivoiser un peu tous les deux, et à partir de là nous avancerons. Ça te va ? – D’accord. J’avais répondu avec un filet de voix, mais quand même, j’étais déjà surprise d’entendre ma propre voix.
13 Le lendemain matin, à peine réveillée, je suis descendue dans la cuisine et je suis tombée sur l’inspecteur Panzella assis à table avec une tasse de café en face de Maman. Elle était tout sourire, le visage détendu. L’inspecteur, lui, avait l’air aussi sinistre, mais ses épaules étaient un peu plus relâchées. Je suis entrée en sautillant, le bout de caoutchouc de mes béquilles dérapant légèrement sur le lino. J’étais encore dépendante des médicaments, antidouleurs et psycho-tropes, et ma liberté retrouvée me donnait un peu le vertige. – Ma chérie, l’inspecteur a une bonne nouvelle à t’annoncer… J’ai préféré aller m’appuyer à l’autre bout de la pièce pour mettre un maximum de distance entre lui et moi. Il portait un costume brunâtre, comme d’hab, mais il avait l’air particulièrement propre sur lui, genre, j’ai pris une douche avant de venir vous voir. Je me demande même si je n’ai pas reconnu une odeur de savon, le même que le nôtre. Et un parfum d’after-shave qui m’a prise à la gorge. J’ai eu les larmes aux yeux, c’était plus fort que moi, et je crois que si j’avais pu, j’aurais pris mes jambes à mon cou en hurlant. – Bonjour, m’a-t-il lancé en tirant sa tasse suivant un petit arc sur la table. Après son départ, inutile de vous dire que j’ai frotté pour enlever toute trace gluante de la table, effacer tout signe de sa présence à jamais. – Bonjour. – Valérie, a repris Maman, l’inspecteur Panzella est venu nous annoncer que tu n’es plus considérée comme suspecte dans la tuerie. J’étais abasourdie. Étais-je vraiment réveillée ? Ou à l’hôpital, endormie, ou dans le service psychiatrique ? Prête à me trimballer en chaise roulante pour assister à une séance de thérapie de groupe et raconter à tout le monde un rêve malsain ? Nan, le schizophrène, se mettrait à pester contre je ne sais trop quels terroristes ; Daisy éclaterait en sanglots en tapotant frénétiquement sur le pansement autour de chacun de ses poignets ; Andy me dirait d’aller me faire foutre. Et le psy, ce crétin, serait là, assis en laissant chacun se défouler avant de nous envoyer petit-déjeuner et avaler nos médocs. – C’est la meilleure nouvelle qui soit, non ? a insisté Maman. – Ouais. Franchement, que répondre ? Dieu merci ? Je te l’avais bien dit ? En quel honneur ? C’était beaucoup trop tôt pour que je me réjouisse. – Nous avons fait venir plusieurs témoins, a précisé l’inspecteur. Un, ou plutôt une, en particulier. Une jeune fille qui a demandé un rendez-vous avec moi et l’avocat général. Elle a été très précise et extrêmement convaincante. Tu n’es passible d’aucune poursuite. J’étais dans les vapes. En même temps j’avais hâte d’atterrir parce que je commençais à ressentir un réel soulagement, mais justement, je m’en voulais.
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