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– T’es venue pour m’annoncer que tu ragotes dans mon dos avec la fille qui était ma meilleure amie ?
– Pas du tout, m’a répondu Jessica en fronçant le visage comme si j’étais folle d’avoir pu suggérer un
truc pareil.
Je le connaissais trop bien, ce front plissé, en général c’était le signe annonciateur de la vacherie qui
allait suivre. Je me suis concentrée, prête à attaquer, mais elle s’est contentée de soupirer.
– Pas du tout. Stacey et moi, on se disait plutôt que c’était Nick qui t’avait bousillée.
– Bousillée ?
– Ouais. Tu comprends… T’étais pas coupable. Sauf que c’est lui qui t’a entraînée. Alors ils ont
peut-être décrété que tu n’étais pas coupable, mais ils ont oublié de le dire.
– Qui, ils ?
– Oh ! Les médias. Les infos. Ils n’arrêtaient pas de bavasser comme quoi tu étais coupable et que la
police était décidée à aller jusqu’au bout, mais dès que la police a annoncé que tu n’avais rien fait,
comme par hasard, ils ont arrêté de commenter l’affaire.
Sans le vouloir j’ai relâché la pression sur ma jambe. Il y avait un truc qui ne cadrait pas. Jessica
Campbell, là, assise sur mon lit en train de me défendre ? J’avais presque peur d’y croire.
Elle a jeté un œil sur le carnet posé sur mes genoux.
– Il paraît que t’as entamé une nouvelle liste de la haine. C’est ce carnet ?
– Ça ? T’es folle ! me suis-je défendue en le refermant illico pour le cacher sous ma jambe. C’est
juste un truc sur lequel je travaille. Un projet plus ou moins artistique.
– Ah… Angerson t’en a parlé, à ce propos ?
– Non, pourquoi ?
On connaissait toutes les deux la réponse, pourquoi il aurait dû, mais ni elle ni moi, on n’osait le dire
tout haut.
Elle a balayé ma chambre du regard sans un mot. J’ai vu qu’elle s’arrêtait sur les piles de vêtements
qui traînaient par terre, les assiettes sales sur la commode, la photo de Nick qui était tombée de la poche
de mon jean la veille et que j’avais eu la flemme de ramasser… J’ai rêvé ou est-ce qu’elle s’est un peu
attardée sur cette photo, justement ?
– J’aime bien ta piaule…
J’ai trouvé sa remarque si lamentable que je n’ai même pas pris la peine de répondre, et à mon avis
elle m’a remerciée en silence.
– J’ai des devoirs. Alors…
– Je comprends, m’a-t-elle répondu en rejetant ses longs cheveux blonds comme un pendule.
Je me demande si à un moment je n’avais pas mis dans ma liste cette façon de se la jouer avec ses
cheveux.
– Écoute, a-t-elle poursuivi, en fait je suis venue pour une raison très précise… le Bureau des élèves
vient de lancer un projet. Un mémorial. Pour la fin de l’année. Ça te dirait de participer avec nous ?
Moi ? Travailler avec le BDE sur un projet ? Il y avait anguille sous roche.
– Faut que je voie…
– Sympa. On a une réunion jeudi dans la salle de classe de Mme Stone. Une espèce de brainstorming.
– Tu es sûre qu’ils ont envie que je vienne ? Vous ne devez pas voter, pour admettre un nouveau
membre ?
Elle a haussé les épaules en regardant par la fenêtre, et j’en ai conclu qu’elle savait qu’ils avaient
voté non.
– Je tiens à ce que tu viennes.
On aurait dit que son esprit planait dans ma chambre, réfléchissant, concentré. Hésitant pour savoir
s’il valait mieux qu’elle sorte ou qu’elle reste. Se demandant comment elle avait pu avoir l’idée de
venir…