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Les yeux jaunes des crocodiles

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grimper sur lui et de le sentir se pâmer entre ses cuisses. De voir<br />

ses <strong>yeux</strong> se tourner, sa bouche se tordre. Ça lui mettait de<br />

l’émotion au ventre, un sentiment de puissance… presque<br />

maternelle. Et puis, il en était tant passé entre ses cuisses ! Un<br />

de plus, un de moins ! Celui-là était gentil. Elle y avait pris goût<br />

à ce pouvoir-là, à cet échange d’amour entre son gros poupon et<br />

elle. Peut-être qu’elle aurait mieux fait de s’écraser, après tout…<br />

Josiane n’avait jamais fait confiance aux hommes. Aux femmes<br />

non plus d’ailleurs. Tout juste si elle se faisait confiance à elle !<br />

Parfois, elle était déroutée par ses propres réactions.<br />

Elle se leva, s’étira et décida d’aller prendre un café pour se<br />

remettre les idées en place. Elle jeta un dernier regard<br />

soupçonneux sur le bureau de Chef. Que se passait-il entre sa<br />

femme et lui ? Allait-il céder au chantage et la sacrifier sur<br />

l’autel <strong>des</strong> biffetons ? Le roi Biffeton. C’est comme ça que sa<br />

mère appelait l’argent. L’adoration du roi Biffeton. Y a que nous,<br />

les petits et les humbles qui connaissons cette prosternation<br />

devant l’argent ! On ne l’empoche pas comme un dû ou une<br />

rapine, on le sublime, on l’idolâtre. On se précipite sur le<br />

moindre centime qui tombe et ricoche à terre. On le ramasse, on<br />

le frotte jusqu’à ce qu’il brille, on le respire. On jette un regard<br />

de chien battu sur le riche qui l’a laissé tomber et n’a pas pris la<br />

peine de se baisser pour le ramasser. Et moi avec mes allures de<br />

fille affranchie, moi qui me suis fait exploiter toute ma vie par le<br />

roi Biffeton, moi qui lui dois la perte de ma virginité, les<br />

premiers coups de poing sur la nuque, les premiers coups de<br />

pied dans le ventre, moi qu’il a humiliée, brutalisée, dès que je<br />

vois un riche je ne peux m’empêcher de le regarder comme un<br />

être supérieur, je lève les <strong>yeux</strong> sur lui comme si c’était le Messie,<br />

je suis prête à lui balancer l’encens et la myrrhe !<br />

Furieuse contre elle-même, elle défroissa sa robe et alla<br />

mettre une pièce dans la machine à café. Le gobelet tomba sous<br />

le jet brûlant et elle attendit que la machine ait fini de cracher sa<br />

bile noire. Elle enserra le gobelet de ses deux mains et apprécia<br />

la chaleur qu’il dégageait.<br />

— Tu fais quoi ce soir ? Tu vois le Vieux ?<br />

C’était Bruno Chaval qui venait faire une pause devant la<br />

machine à café. Il avait sorti une cigarette qu’il tapotait sur le<br />

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