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Les yeux jaunes des crocodiles

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la nuit ne se termine jamais. Le bras de Luca autour de sa taille,<br />

le silence de la nuit, le bercement régulier de la voiture et les<br />

arbres maigres qui se dressaient, blafards dans les phares. Elle<br />

s’abandonna sans plus réfléchir quand il l’embrassa. Un long<br />

baiser doux, tendre qui ne s’interrompit que parce que le taxi<br />

s’était arrêté devant l’hôtel.<br />

Ils prirent leur clé en silence, montèrent au troisième étage<br />

où se trouvaient leurs chambres et quand Luca, sur le seuil de sa<br />

chambre, étendit le bras pour entrer, elle le laissa faire.<br />

Elle le laissa faire quand il posa ses mains sur ses épaules et<br />

reprit son baiser.<br />

Elle le laissa faire quand il souleva son pull pour la caresser.<br />

Elle le laissa faire…<br />

Mais, alors qu’elle était sur le point de s’oublier contre lui,<br />

l’image de la femme brune de la publicité revint s’imposer entre<br />

Luca et elle. Elle vit sa taille fine, son ventre bronzé, musclé, ses<br />

bras délicats rejetés en arrière ; elle serra les dents, rentra son<br />

ventre, l’aspira de toutes ses forces pour qu’il ne sente pas les<br />

bourrelets de sa taille, je suis grosse, je suis moche, il va me<br />

déshabiller, il va s’en apercevoir… Elle s’imagina nue contre lui :<br />

une mère de famille avec <strong>des</strong> cheveux fins et plats, <strong>des</strong> petits<br />

boutons dans le dos, une taille épaisse, une grosse culotte de<br />

coton blanc…<br />

Elle le repoussa et murmura « non, non, non, s’il vous plaît,<br />

non ».<br />

Il se redressa, étonné. Se reprit. S’excusa et, prenant un ton<br />

léger, déclara :<br />

— Je ne vous importunerai pas. N’en parlons plus. On se<br />

retrouve demain au petit-déjeuner ?<br />

Elle hocha la tête, la bouche pleine de larmes, et le regarda<br />

disparaître.<br />

— Nulle, Shirley ! J’ai été nulle. Il était là contre moi, il<br />

m’embrassait, c’était si bon, si bon et moi, je n’ai pensé qu’à mes<br />

bourrelets, à ma culotte en coton blanc… Il est parti et j’ai<br />

pleuré, pleuré… Le lendemain, au petit-déjeuner, on a repris<br />

comme si de rien n’était. Lui très poli, très doux, me passant la<br />

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