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Les yeux jaunes des crocodiles

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— Je compte sur toi… Je te ferai un beau contrat, je ne<br />

voudrais pas me mettre Philippe à dos.<br />

Il lui avait donné le numéro de sa ligne directe et, avant de<br />

partir, lui avait rappelé sa promesse.<br />

Philippe la déposa devant leur immeuble et alla se garer.<br />

Elle courut se réfugier dans sa chambre et se déshabilla en<br />

repensant à son affabulation. Quelle audace ! Que vais-je faire<br />

maintenant ? Puis elle se rassura : il oubliera ou je lui dirai que<br />

je n’en suis qu’au début, qu’il faut me laisser du temps…<br />

L’horloge en bronze posée sur la cheminée de la chambre<br />

sonna les douze coups de minuit. Iris frissonna de plaisir. Cela<br />

avait été délicieux de jouer un rôle ! De devenir une autre. De<br />

s’inventer une vie. Elle s’était sentie transportée dans le passé,<br />

au temps de ses étu<strong>des</strong> à Columbia, quand ils étudiaient en<br />

groupe une mise en scène, un rôle, la place de la caméra, la<br />

forme <strong>des</strong> dialogues, l’efficacité d’un enchaînement. Elle<br />

montrait à <strong>des</strong> apprentis comédiens comment interpréter leur<br />

personnage. Elle jouait l’homme, puis la femme, l’innocente<br />

victime et la manipulatrice perverse. La vie ne lui paraissait<br />

jamais assez grande pour contenir toutes les facettes de sa<br />

personnalité. Gabor l’encourageait. Ensemble, ils développaient<br />

<strong>des</strong> scénarios. Ils formaient une belle équipe.<br />

Gabor… Elle revenait toujours à lui.<br />

Elle secoua la tête et se reprit.<br />

Pour la première fois depuis longtemps, elle s’était sentie<br />

vivante. Bien sûr, elle avait menti… mais ce n’était pas un gros<br />

mensonge !<br />

Assise au pied du lit, en déshabillé de dentelle crème, elle<br />

empoigna ses brosses et brossa ses longs cheveux noirs. C’était<br />

un rituel auquel elle ne manquait jamais. Dans les romans<br />

qu’elle lisait, enfant, les héroïnes se brossaient les cheveux,<br />

matin et soir.<br />

<strong>Les</strong> brosses crépitaient et, la tête renversée, Iris pensait à sa<br />

longue et morne journée. Encore une journée où elle n’avait rien<br />

fait. Depuis quelque temps, elle restait enfermée chez elle. Elle<br />

avait perdu le goût de se distraire en tourbillonnant dans le<br />

vide. Elle avait déjeuné seule, dans la cuisine, écoutant le<br />

bavardage de Babette, la femme de ménage qui aidait Carmen le<br />

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