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Les yeux jaunes des crocodiles

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Pendant ce temps, dans le bureau de René, accroupis dans<br />

l’obscurité et chuchotants, Marcel et Josiane poursuivaient leurs<br />

retrouvailles.<br />

— Tu m’as trompé avec Chaval ?<br />

— Non, je t’ai pas trompé… Je me suis laissée aller un soir de<br />

cafard. C’est tombé sur lui parce qu’il était là… Mais ç’aurait pu<br />

être n’importe qui.<br />

— Tu m’aimes un peu tout de même ?<br />

Il s’était rapproché et sa cuisse reposait contre celle de<br />

Josiane. Son souffle court était chaud et il respirait par à-coups<br />

à force d’être plié en deux.<br />

— Je t’aime tout court, mon gros loup…<br />

Elle soupira et laissa tomber sa tête sur l’épaule de Marcel.<br />

— Oh, tu m’as manqué, tu sais !<br />

— Toi aussi ! T’as pas idée.<br />

Ils étaient là, tous les deux, étonnés, serrés l’un contre<br />

l’autre, comme deux écoliers qui ont fait le mur et se cachent<br />

pour fumer. Ils chuchotaient dans l’obscurité et la chaleur qui<br />

puait la laine mouillée.<br />

Ils restèrent un long moment sans bouger, sans parler. Leurs<br />

doigts s’étreignaient, s’épluchaient, se reconnaissaient et c’est<br />

toute une tendresse, toute une chaleur que Josiane retrouvait<br />

comme un paysage d’enfant. Leurs <strong>yeux</strong> s’étaient habitués à<br />

l’obscurité, ils discernaient dans le noir le contour <strong>des</strong> objets. Je<br />

m’en fiche qu’il soit vieux, qu’il soit gros, qu’il soit moche, c’est<br />

mon homme, c’est ma pâte à aimer, ma pâte à rire, ma pâte à<br />

pétrir, ma pâte à souffrir, je sais tout de lui, je peux le raconter<br />

en fermant les <strong>yeux</strong>, je peux dire ses mots avant même qu’il les<br />

prononce, je peux lire dans sa tête, dans ses petits <strong>yeux</strong> malins,<br />

dans sa grosse bedaine… je le raconterais les <strong>yeux</strong> fermés, cet<br />

homme-là.<br />

Ils restèrent un long moment sans parler. Ils s’étaient tout<br />

dit et surtout, surtout ils s’étaient retrouvés. Et puis soudain,<br />

Marcel se redressa d’un coup. Josiane lui murmura « fais gaffe !<br />

Elle est peut-être derrière la porte ! ».<br />

— Je m’en fiche ! Lève-toi, Choupette, lève-toi… On est cons<br />

de se cacher comme ça. On n’a rien fait de mal, hein,<br />

Choupette ?<br />

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