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Les yeux jaunes des crocodiles

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moment, tu n’as plus le temps d’anticiper. Tu n’agis plus, tu<br />

réagis. Or, ton vrai talent est de respirer ton temps, de le<br />

renifler, de prévoir ce dont les gens vont avoir envie… Nous<br />

engageons Chaval, nous le laissons s’échiner sur les épines du<br />

présent et nous voguons sur l’écume de demain ! Pas mal, non ?<br />

Marcel Grobz dressa l’oreille. C’était la première fois qu’elle<br />

disait « nous » en parlant de l’entreprise. Et elle l’avait dit<br />

plusieurs fois de suite. Il s’écarta pour l’observer ; elle<br />

s’exprimait, le visage rouge, l’air concentré, et ses sourcils se<br />

rejoignaient en un V profond et hérissé de poils blonds. Il se fit<br />

la réflexion que cette femme, cette maîtresse idéale qui ne<br />

reculait devant aucune gâterie sexuelle et possédait tous les<br />

talents, avait, depuis quelques minutes, toutes les ambitions. Ça<br />

me change de ma femme qui me fait <strong>des</strong> pipes avec une paille, et<br />

encore à chaque fois qu’on élit un nouveau pape ! J’ai beau lui<br />

appuyer sur la nuque, elle y va pas. Josiane, elle, y allait franco.<br />

À grands coups de reins, à grands coups de langue, à grands<br />

coups de nichons, elle l’envoyait aux anges, lui faisait crier<br />

maman, le faisait rebondir de baiser en baiser, le léchait, le<br />

caressait, le serrait entre ses cuisses vigoureuses et, lorsque le<br />

dernier spasme venait à mourir sur ses lèvres, elle le recueillait<br />

doucement entre ses bras, l’apaisait, le ragaillardissait avec une<br />

fine analyse de la vie de l’entreprise avant de l’expédier à<br />

nouveau au ciel de lit. Quelle femme ! se dit-il. Quelle<br />

maîtresse ! Généreuse. Affamée. Douce au plaisir, dure au<br />

travail. Blanche, laiteuse, voluptueuse, à se demander où elle<br />

planque les os de son squelette !<br />

Josiane travaillait pour lui depuis quinze ans. Elle avait<br />

échoué dans son lit peu après s’être fait engager comme<br />

secrétaire. Petite femme efflanquée et triste quand elle était<br />

entrée dans l’entreprise, elle avait prospéré sous sa férule. Elle<br />

possédait, comme seul diplôme, celui d’une école minable où on<br />

lui avait appris la dactylographie et l’orthographe – et encore…<br />

l’orthographe sans fioriture – et un CV chaotique d’où il<br />

ressortait qu’elle ne restait pas longtemps dans un emploi.<br />

Marcel avait décidé de lui faire confiance. Il y avait dans cette<br />

petite femme qui se tenait devant lui quelque chose de sournois,<br />

de buté qui lui plaisait sans qu’il sache pourquoi. Elle était tout<br />

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