28.06.2013 Views

Les yeux jaunes des crocodiles

Les yeux jaunes des crocodiles

Les yeux jaunes des crocodiles

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

pas une femme, c’est un gangster. Et tu prétends qu’elle t’aime,<br />

pauvre imbécile ? Elle te cisaille les couilles avec <strong>des</strong> ciseaux à<br />

ongles. Ma parole, t’as l’intelligence au ras de la moquette ? »<br />

Marcel avait haussé les épaules : « Elle va me faire un petit et<br />

alors tout reviendra au petit ! – Elle va te faire un petit ? Tu<br />

hallucines ou quoi ? »<br />

Marcel, vexé, avait claqué la porte de l’entrepôt.<br />

Ils étaient restés plus d’un mois sans se parler, cette fois-là.<br />

Et quand ils s’étaient retrouvés, ils avaient décidé d’un commun<br />

accord de ne plus aborder le sujet.<br />

Et maintenant c’était Josiane qui le rendait maboul au point<br />

de renifler un vieux collant.<br />

— Tu vas rester longtemps comme ça ? Tu veux que je te<br />

dise, t’as l’air d’un vieux crapaud sur une boîte d’allumettes.<br />

— J’ai plus d’envies…, répondit Marcel avec, dans la voix, le<br />

désenchantement de l’homme à qui la vie a tout pris et qui<br />

s’installe, docile, dans sa misère.<br />

— Tu veux dire que tu vas attendre la mort sans broncher ?<br />

Marcel ne répondit pas. Il avait maigri, et sa figure tombait<br />

en deux bourses molles le long <strong>des</strong> mâchoires. Il était devenu un<br />

vieillard hébété, livide, sans arrêt au bord <strong>des</strong> larmes. Ses <strong>yeux</strong>,<br />

aux bords rougis, suintaient.<br />

— Reprends-toi, Marcel, tu fais pitié. Et bientôt tu feras<br />

horreur. Un peu de dignité !<br />

Marcel Grobz haussa les épaules en entendant le mot<br />

« dignité ». Il jeta un regard humide à René et leva la main<br />

comme pour dire : à quoi bon ?<br />

René le regardait, incrédule. Ce ne pouvait pas être le même<br />

homme qui lui avait appris l’art de la guerre dans les affaires. Il<br />

appelait ça ses cours du soir. René le soupçonnait de déclamer<br />

haut et fort pour se convaincre et se donner du cœur à l’ouvrage.<br />

« Plus froidement tu calcules, plus loin tu vas. Pas de sentiment,<br />

mon vieux. Faut occire à froid ! Et pour asseoir définitivement<br />

ton autorité, tu frappes un grand coup avant de commencer, tu<br />

sacques un gêneur, tu liqui<strong>des</strong> un ennemi, et tu seras craint le<br />

reste de ta vie ! » Ou encore : « Il y a trois moyens de réussir : la<br />

force, le génie ou la corruption. La corruption, c’est pas mon<br />

truc, le génie, j’en ai pas alors… il ne me reste plus que la force !<br />

- 180 -

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!