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Les yeux jaunes des crocodiles

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osait dire ce qu’elle pensait. La forme n’avait pas été très<br />

élégante, un peu grossière, un peu brouillon – elle le<br />

reconnaissait volontiers – mais le fond l’avait enchantée. Alors,<br />

pour cette femme-là, avant de quitter la pièce elle décida<br />

d’enfoncer le clou et faisant face à sa mère qui gémissait dans le<br />

canapé, elle ajouta d’une voix douce mais ferme :<br />

— Ah ! j’oubliais, maman… je ne te demanderai rien, pas le<br />

moindre sou, pas le moindre conseil. Je vais me débrouiller<br />

seule, toute seule, dussions-nous en crever, moi et les filles !<br />

Écoute-moi bien, aujourd’hui je te fais une promesse : jamais,<br />

plus jamais je ne serai un petit canard perdu au bord de la route<br />

à qui tu feras la leçon et que tu remettras dans le droit chemin !<br />

Parce que tu sais quoi ? Je suis une femme, mûre, responsable<br />

et je te le prouverai.<br />

Il fallait qu’elle fasse attention : elle ne pouvait plus s’arrêter<br />

de parler.<br />

Henriette Grobz détourna violemment la tête comme si la<br />

vue de sa fille lui était devenue insupportable et émit quelques<br />

grognements qui disaient qu’elle s’en aille ! Qu’elle s’en aille ! Je<br />

ne peux plus ! Je vais mourir…<br />

Joséphine, amusée par la prévisibilité <strong>des</strong> réactions de sa<br />

mère, haussa les épaules et sortit du salon. Quand elle poussa la<br />

porte, elle entendit un petit cri, c’était Hortense qui écoutait,<br />

l’oreille collée au panneau en bois et qu’elle avait renversée.<br />

— Qu’est-ce que tu fais là, chérie ?<br />

— C’est malin ! lui dit sa fille. Tu as fait ton intéressante ? Tu<br />

te sens mieux maintenant, j’espère.<br />

Joséphine préféra ne pas répondre et se réfugia dans la<br />

première pièce qui jouxtait le salon. C’était le bureau de<br />

Philippe Dupin. Elle ne le vit pas tout de suite mais entendit sa<br />

voix. Il était debout, en partie dissimulé dans les lourds rideaux<br />

en étamine rouge bordés de passementerie, et parlait à voix<br />

basse en tenant son téléphone contre l’oreille.<br />

— Oh, pardon ! dit elle en refermant la porte derrière elle.<br />

Il s’interrompit aussitôt. Elle l’entendit dire « je te<br />

rappelle », puis il raccrocha.<br />

— Je ne voulais pas te déranger…<br />

— C’était un peu plus long que je ne pensais…<br />

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