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Les yeux jaunes des crocodiles

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Zoé n’avait plus demandé de nouvelles de son père.<br />

Hortense avait rappelé la journaliste de Gala et obtenu un<br />

stage de trois semaines comme accessoiriste lors <strong>des</strong> prises de<br />

vues. Elle partait travailler tous les matins, pestant contre les<br />

transports en commun qui lui prenaient tout son temps,<br />

répétant « mais quand va-t-on déménager, maintenant que<br />

Shirley n’est plus là, qu’est-ce qu’on attend pour s’installer à<br />

Paris ? ». Joséphine y pensait de plus en plus. Elle commença à<br />

visiter <strong>des</strong> appartements du côté de Neuilly pour que Zoé ne<br />

perde pas tous ses amis. Hortense avait déclaré que Neuilly lui<br />

allait très bien. « Il y a <strong>des</strong> arbres, un métro et <strong>des</strong> autobus, <strong>des</strong><br />

gens bien habillés et bien élevés, je n’aurai plus l’impression de<br />

vivre dans une réserve, de toute façon je vais partir, dès que<br />

j’aurai mon bac, j’irai faire ma vie loin d’ici. »<br />

Elle ne parlait plus de son père. Chaque fois que Joséphine<br />

demandait « ça va, ma chérie, tu es sûre que ça va ? Tu ne veux<br />

pas en parler ? », elle haussait les épaules, exaspérée, et ajoutait<br />

« on s’est tout dit, non ? ». Elle avait demandé à ce qu’on<br />

ressorte la télé de la cave, maintenant que les examens étaient<br />

passés. Elle voulait regarder les magazines de mode sur les<br />

chaînes câblées. Joséphine prit l’abonnement que lui demandait<br />

Hortense, ravie de voir sa fille se changer les idées.<br />

C’est là, un dimanche de mi-juin, alors qu’elle était seule<br />

chez elle, qu’Hortense était sortie, qu’elle attendait qu’elle<br />

rentre, que Joséphine alluma la télévision. Hortense lui avait<br />

dit : « Regarde la Trois, ce soir, il se peut que tu m’aperçoives…<br />

Ne me loupe pas, ça ne durera pas longtemps. »<br />

Il devait être onze heures et demie du soir et elle dressait<br />

l’oreille à chaque bruit dans l’escalier. Elle lui avait donné de<br />

l’argent pour prendre un taxi, mais c’était plus fort qu’elle, elle<br />

n’aimait pas la savoir seule, le soir. Seule dans le taxi, seule dans<br />

la banlieue, seule dans la cage d’escalier. Quand Gary<br />

l’accompagnait, c’était différent. Rien que pour ça, songea-t-elle,<br />

c’est bien qu’on déménage. Neuilly est calme, si calme. Je me<br />

ferai moins de souci quand elle sortira le soir…<br />

Elle regardait, distraite, l’écran, appuyant sur la<br />

télécommande pour changer de chaîne, revenant sur la Trois<br />

pour y guetter Hortense. Luca avait proposé : « Je peux venir<br />

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