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Les yeux jaunes des crocodiles

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— Elle était comment, ta mère ?<br />

Shirley hésita un instant, fit <strong>des</strong> trous avec une fourchette<br />

dans sa pâte étalée, puis :<br />

— Elle ne disait rien, ne montrait pas grand-chose mais il<br />

suffisait que j’entre dans la pièce où elle se trouvait pour que<br />

son visage s’éclaire, que son front se déplisse, que tous ses<br />

soucis disparaissent. Elle ne me tendait pas les bras, elle ne<br />

m’embrassait pas, mais elle me jetait un tel regard d’amour que<br />

je le recevais en fermant les <strong>yeux</strong> de bonheur. Je le sentais si<br />

fort que, parfois, je faisais exprès de revenir dans la pièce où elle<br />

se trouvait rien que pour lire à nouveau la joie sur son visage !<br />

Elle m’a construite sans un mot, sans un geste ; elle m’a donné<br />

une base si solide que je n’ai pas les mêmes doutes que toi…<br />

— Et ton père ? demanda Joséphine, surprise que Shirley se<br />

mette à parler de son enfance et entendant bien en profiter.<br />

— Mon père aussi. Tout aussi silencieux et discret que ma<br />

mère. Jamais un geste en public, jamais un baiser ni une<br />

caresse. Il ne pouvait pas. Mais il était là, toujours. Tous les<br />

deux. Ils ont toujours été là et je peux t’assurer que ce n’était pas<br />

facile pour eux… Toi, tu n’as pas eu ça ; tu as grandi toute seule,<br />

mal assurée sur tes pieds. Tu trébuches encore aujourd’hui mais<br />

tu y arriveras, Jo, tu y arriveras !<br />

— Tu crois ? Après ce qu’il s’est passé la nuit dernière avec<br />

Luca, je n’ai pas beaucoup d’espoir…<br />

— C’était une péripétie. Mais ce n’est pas fini. Et si ce n’est<br />

pas avec lui, ce sera avec un autre…<br />

Joséphine soupira et compta les tranches de pomme que<br />

Shirley étalait maintenant sur la pâte.<br />

— Pourquoi tu les coupes si fines ?<br />

— Parce que c’est meilleur… Plus croquant.<br />

— Où as-tu appris à faire la cuisine ?<br />

— Dans <strong>des</strong> cuisines…<br />

— Très drôle !<br />

— Fin <strong>des</strong> confidences pour aujourd’hui, ma belle. Je t’ai<br />

beaucoup parlé… Tu sais que tu deviens rusée ?<br />

Shirley enfourna la tarte aux pommes, déclencha le minuteur<br />

et proposa à Joséphine d’ouvrir une bonne bouteille de vin pour<br />

fêter sa nouvelle vie.<br />

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