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Les yeux jaunes des crocodiles

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— Parce que tu crois que ce serait une solution ?<br />

— Y a pas de solution, Mylène, je me suis fait avoir comme<br />

un bleu ! Wei, il s’en fout, il s’en sortira toujours, mais moi… J’ai<br />

investi dans un parc d’ovipares obèses et impuissants.<br />

En outre, Antoine s’était aperçu que les femelles livrées par<br />

les Thaïlandais étaient presque toutes ménopausées. Il avait<br />

appelé le directeur de l’élevage, celui-là même qui avait rempli<br />

le Boeing <strong>des</strong> soixante-dix <strong>crocodiles</strong>, et s’était plaint. Le<br />

Thaïlandais avait assuré : « Forty eggs a day ! Forty eggs a<br />

day ! – Zero egg a day », avait hurlé Antoine dans le<br />

récepteur. – Ah, avait conclu le Thaïlandais, they must be grand<br />

mothers then ! You are not lucky, we put the wrong ones in the<br />

plane, we didn’t know… »<br />

Des <strong>crocodiles</strong> ménopausées ! Et avec ça, il fallait qu’il fasse<br />

exploser la natalité ! L’usine avait ralenti sa fabrication de<br />

maroquinerie et le taux de remplissage <strong>des</strong> conserves avait été<br />

divisé par deux. Si ça se trouve, ce qui va marcher, c’est<br />

l’industrialisation <strong>des</strong> antibiotiques, mais là, je n’ai pas de<br />

contrat. Je suis marron ! Saloperies de reptiles !<br />

Il tira une nouvelle fois en l’air. Le crocodile leva une<br />

paupière.<br />

Mylène haussa les épaules et décida de regagner son bureau.<br />

Elle avait <strong>des</strong> mails à relire avant de les envoyer à Paris en vue<br />

de nouvelles comman<strong>des</strong>. Le maquillage se vendait beaucoup<br />

mieux que les produits de soins, plus coûteux et plus difficiles à<br />

conserver par grande chaleur. Tant mieux ! <strong>Les</strong> maquillages, je<br />

les achète en gros passage de l’Industrie à Paris et je fais quatre<br />

fois la culbute. Elles y voient que du feu, mes clientes. Jamais<br />

elles ne discutent le prix ! Elles vénèrent le bâton de rouge ou le<br />

fard à paupières et se saignent les veines pour s’enluminer la<br />

face. Le produit-vedette : mon fond de teint blanc. Elles<br />

adorent ! Elles se transforment en petites poupées ron<strong>des</strong> et<br />

blafar<strong>des</strong>. À peine posée sur les étagères, la marchandise<br />

disparaît, happée par leurs petites mains avi<strong>des</strong>. Mister Wei m’a<br />

proposé une association. Cinquante-cinquante. J’apporte le<br />

savoir-faire, la philosophie, l’esprit, le bon goût français, il<br />

s’occupe, lui, de fabriquer et de vendre. Il dit que ça ne coûtera<br />

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