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Les yeux jaunes des crocodiles

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devienne réel et marque un tournant dans sa vie. Une borne sur<br />

sa route. Grâce à ce moment-là, je serai plus forte et je pourrai<br />

continuer à avancer en sachant qu’il y a un sens, que toute la<br />

douleur que j’ai accumulée depuis qu’il est parti s’est<br />

transformée en un pas en avant, une invisible progression. Je ne<br />

suis plus la même, j’ai changé, j’ai grandi, j’ai souffert mais cela<br />

n’a pas été en vain.<br />

— Joséphine, comment font les gens qui réussissent ? Sontils<br />

simplement touchés par la chance ou ont-ils une recette ?<br />

— Je ne crois pas qu’il y ait une recette… Ce qu’il faut au<br />

départ, c’est choisir un costume qui te va, dans lequel tu te sens<br />

bien et, petit à petit, tu l’agrandis, tu le fais à tes mesures. Petit à<br />

petit, Antoine… Toi, tu vas trop vite. Tu vois grand tout de suite<br />

et tu sautes tous les petits détails qui sont importants. On ne<br />

réussit pas du premier coup, on pose une pierre après l’autre…<br />

Quand tu retrouveras tes <strong>crocodiles</strong>, apprends à faire les choses<br />

une par une comme elles se présentent et puis, seulement après,<br />

tu verras plus grand, et un peu plus grand et encore plus<br />

grand… Si tu vas lentement, tu construis, si tu vas trop vite, tout<br />

s’écroule aussi rapidement…<br />

Il suivait ses mots, un à un, comme on suit les gestes du<br />

secouriste qui vous sauve la vie.<br />

— C’est comme avec l’alcool… Chaque matin quand tu te<br />

réveilles, dis-toi je ne boirai pas jusqu’à ce soir. Ne te dis pas je<br />

ne boirai plus de toute ma vie. C’est trop grand pour toi, cette<br />

promesse-là. Un petit pas chaque jour… et tu y arriveras.<br />

— Mon employeur chinois… il me paie pas.<br />

— Mais tu vis comment ?<br />

— Avec l’argent de Mylène. C’est pour ça que je n’ai pas pu<br />

rembourser le prêt.<br />

— Oh ! Antoine…<br />

— Je pensais en parler à Faugeron, pour qu’il m’aide à<br />

trouver une solution et il m’a à peine écouté…<br />

— Mais les Chinois, ils sont payés ?<br />

— Oui, <strong>des</strong> clopinettes, mais ils sont payés. Sur un budget à<br />

part. Je ne vais pas leur piquer leurs sous.<br />

Joséphine réfléchit, faisant tinter sa cuillère à café contre la<br />

tasse.<br />

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