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Concerto à la mémoire d'un ange

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un chauffeur, elle repéra au loin un individu en imperméable<br />

beige, lequel traversa plusieurs fois son champ de vision.<br />

Elle saisit aussitôt ce qui se passait : son mari <strong>la</strong> faisait<br />

suivre. Elle exulta. Non seulement elle fit semb<strong>la</strong>nt de ne pas<br />

voir le détective mais elle détourna plusieurs fois l’attention de<br />

ses gardes du corps afin qu’ils ne le remarquassent pas non<br />

plus.<br />

— Que cherche Henri ? Que veut-il savoir ?<br />

Au bout d’un mois, elle découvrit le but de ces fi<strong>la</strong>tures : le<br />

Président se constituait une liste des amis de sa femme ; <strong>à</strong> <strong>la</strong><br />

suite de quoi, il envoyait <strong>à</strong> chacun une invitation de l’Élysée<br />

pour partager un « breakfast informel », sans Catherine,<br />

entretien au cours duquel, habile, il essayait de leur tirer les vers<br />

du nez. Sans que ses interlocuteurs s’en rendissent compte,<br />

l’ancien avocat devenu chef d’État parvenait <strong>à</strong> mesurer leur<br />

degré d’intimité avec Catherine, d’admiration ou d’hostilité<br />

envers lui, son dessein étant de déterminer si Catherine pouvait<br />

avoir livré <strong>à</strong> un confident ou <strong>à</strong> une confidente les secrets<br />

explosifs qu’elle détenait.<br />

Elle s’amusa des récits que lui firent ses amis. Ceux-ci,<br />

intimidés, f<strong>la</strong>ttés, manœuvrés, n’avaient jamais deviné <strong>la</strong> vraie<br />

raison qui guidait <strong>la</strong> conduite d’Henri : sa sécurité.<br />

— S’il me piste, c’est pour lui, pas pour moi. Il ne s’intéresse<br />

qu’<strong>à</strong> lui.<br />

Comme l’homme <strong>à</strong> l’imperméable ou son fade suppléant<br />

continuaient <strong>à</strong> <strong>la</strong> filer, elle décida de leur jouer un tour.<br />

Elle demanda <strong>à</strong> un certain Charles, un ami d’amis,<br />

antiquaire sur <strong>la</strong> rive gauche, de l’accueillir dans sa garçonnière.<br />

Le beau quadragénaire, haut, svelte, élégant, encore frais<br />

malgré les fils b<strong>la</strong>ncs qui irisaient ses cheveux sombres, accepta<br />

avec enthousiasme, honoré. Chaque jour, de cinq <strong>à</strong> sept, elle se<br />

rendit chez lui avec une discrétion ostentatoire. Ensemble,<br />

derrière les rideaux fermés, ils prenaient le thé, discutaient,<br />

riaient, écoutaient de <strong>la</strong> musique, de sorte que l’air satisfait<br />

qu’elle affichait en sortant de son immeuble – clic,<br />

photographie – n’était pas feint. Ce<strong>la</strong> suffirait-il <strong>à</strong> nourrir <strong>la</strong><br />

suspicion du président Morel ?<br />

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