Concerto à la mémoire d'un ange
Concerto à la mémoire d'un ange
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Elle se condamna sans appel : tailleur coupé sur mesure<br />
dans un tissu riche d’aspect simple, chaussures hautes quoique<br />
pas trop sexy, <strong>la</strong> coiffure aussi solide qu’un casque, le maintien<br />
pudique, elle s’était embourgeoisée. Cette métamorphose s’était<br />
accomplie lentement, contre son gré. Au départ, Catherine ne<br />
songeait pas trop aux vêtements qu’elle portait, empi<strong>la</strong>nt sur<br />
elle des robes, des chemises, de longues jupes et des gilets<br />
indiens, colorés, bon marché, qu’elle avait l’habitude de chiner<br />
dans le quartier popu<strong>la</strong>ire où elle louait une mansarde, près de<br />
<strong>la</strong> gare du Nord ; au plus, pour justifier ses choix, aurait-elle<br />
affirmé qu’elle aimait <strong>la</strong> sécheresse du coton, qu’elle appréciait<br />
de sentir ces couches légères sur son corps mince. Puis, au bras<br />
de son époux, <strong>à</strong> mesure que ce dernier gravissait les marches du<br />
pouvoir, sa négligence avait attiré les regards : alors qu’elle ne<br />
prêtait pas attention <strong>à</strong> ses habits, son style décontracté focalisa<br />
les commentaires, provoqua des discussions. L’indifférence <strong>à</strong> <strong>la</strong><br />
mode passa pour une attitude volontariste chez elle, une<br />
tactique de communication chez son époux ; quand on évoquait<br />
M me Morel, on commençait ou on finissait par ses vêtements,<br />
parfois pour l’en louer, le plus souvent pour s’en moquer. Afin<br />
que ces quolibets disparaissent, elle avait fini par céder au<br />
conservatisme, vidant ses p<strong>la</strong>cards des fripes hippies puis les<br />
remplissant de tenues conçues pour les femmes de son âge<br />
ayant des responsabilités. Question de dignité…<br />
— Dignité ! Tu t’entends, ma pauvre Catherine, tu t’exprimes<br />
comme une rombière convaincue de s’habiller « dignement ».<br />
Les crétins ont gagné <strong>la</strong> bataille : ils m’ont contaminé le cerveau.<br />
Elle se pencha sur sa photo dans le hall froid de l’Élysée<br />
tandis qu’elle accueil<strong>la</strong>it le chancelier allemand : elle détestait <strong>la</strong><br />
femme qu’elle apercevait. Certes, elle était parfaite, avenante,<br />
élégante, mais elle s’en vou<strong>la</strong>it de sourire, de jouer si bien <strong>la</strong><br />
comédie, de ne pas <strong>la</strong>isser sourdre son ma<strong>la</strong>ise. On lui avait<br />
collé un rôle dont elle ne vou<strong>la</strong>it pas, femme d’homme<br />
politique ; d’abord femme de député, puis de député-maire, puis<br />
de ministre, elle avait perdu <strong>à</strong> chaque fois un peu de liberté ;<br />
après des élections désastreuses, elle était devenue femme du<br />
chef de l’opposition et l<strong>à</strong>, ça avait été plutôt drôle, <strong>la</strong> meilleure<br />
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