Concerto à la mémoire d'un ange
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qui accompagne noblement l’agonie de sa femme avant <strong>la</strong><br />
seconde.<br />
— Il est certain que le hasard n’épargne pas ce pauvre<br />
président Morel.<br />
— Croyez-vous ce que vous dites, Rigaud ?<br />
Il <strong>la</strong> fixa, intransigeant, impérieux, intense, et choisit de ne<br />
pas mentir : il se tut.<br />
D’un hochement de tête, elle approuva ce silence, lui<br />
montrant que, pas dupe, elle savait beaucoup de choses…<br />
Une minute passa sans qu’aucun des deux ne bougeât.<br />
— C’est oui, conclut-elle.<br />
Une heure plus tard, Henri, averti par Rigaud, débou<strong>la</strong> dans<br />
les appartements pour <strong>la</strong> féliciter avec chaleur :<br />
— Merci, Catherine. Tu acceptes donc que j’accomplisse un<br />
deuxième mandat ?<br />
— Ai-je le pouvoir de t’arrêter ?<br />
Il resta perplexe, se demandant si, <strong>à</strong> cause des traitements et<br />
des médicaments, elle avait oublié ses menaces. S’approchant<br />
avec douceur, il lui saisit <strong>la</strong> main :<br />
— Peux-tu me dire ce que tu penses ?<br />
Non, elle ne pouvait pas. Elle ne savait plus. Tout était<br />
devenu si confus. Des <strong>la</strong>rmes irritèrent ses yeux.<br />
Henri l’embrassa, <strong>la</strong> conserva longuement contre lui, entre<br />
ses bras, puis, sentant qu’elle se décontractait et qu’elle<br />
chavirait dans le sommeil, <strong>la</strong> <strong>la</strong>issa se reposer.<br />
La ma<strong>la</strong>die avait tout changé entre eux : l’agressivité avait<br />
perdu son droit de visite.<br />
Catherine, consentant <strong>à</strong> son destin tragique, ne vou<strong>la</strong>it plus<br />
mordre ; non seulement ce n’était pas sa nature mais ce<strong>la</strong> lui<br />
rappe<strong>la</strong>it les semaines précédant sa tumeur ; elle associait<br />
confusément l’ironie, le sarcasme et <strong>la</strong> violence verbale <strong>à</strong> <strong>la</strong><br />
détérioration de sa santé !<br />
Catherine s’obligeait au silence, tandis qu’Henri pratiquait<br />
l’amnésie conditionnelle : il se comportait « comme si », comme<br />
si elle ne lui avait jamais exprimé son dédain, comme si elle ne<br />
l’avait pas menacé de révéler ce qu’elle savait sur l’attentat de <strong>la</strong><br />
rue Fourmilion, comme si elle n’avait pas déposé un testament<br />
compromettant <strong>à</strong> l’étr<strong>ange</strong>r. À force d’occulter ces épisodes, il<br />
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